Friday, October 14, 2005

Recherché[e] pour transmutation

L'argent le boulot l'argent... C'est bien mais... Free creation... C mieux.... Be cose to be or not futur... La preuve est telle ! Que nous écrivons dessus tous les jours... Ah vous me direz que ce qui est gratuit n'a pas de valeur et je vous répondrais que se qui ne s'achète pas se mérite. Le blog c gratuit et ça doit le rester... Na!

Zora la r.

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(1) http://internet-aquitaine.net/blog (2) http://blog.izzyguide.com (3) www.voxinablog.com (4) http://belan.over-blog.com (5) www.duperrin.com
http://oldcola.blogspot.com/2005/10/annka.html

Thursday, October 13, 2005

L'avenir est à ceux qui se couchent tard...

La terre tourne si vite qu'aujourd'hui les enfants sont déjà vieux et les adultes des enfants plantés devant la ps2. Ou la webcam en images saccadées, rythmées au flux des bits et du numérique. Ton numéro Eric, vite matte sur msn mon cul... emotionnes, lol et y touti cuenti. L'avenir est à ceux qui se couchent tard, deux vies, deux mondes, la cour des miracles se cache ici... Je cherches, tu cherches, il trouve peu, pas ou presque, une nuées de désydratés... des yeux, du cerveau, de ces corps carverneux et spongiformes sans forme, sans visage, sans nom ou peu... pseudo "ladiva" pour n'avoir pas de vie publique en vrai, comme on le souhaiterai. J'm ton monde subintranet, imaginaire à souhaît, en frottant ma souris de deux doigts, je t'apprendrais, je t'apparais clair(e), Net(te) et précis(e) pixel(le) à pixel(le)... Ce n'est plus moi, ni toi ni personne que le temps n'abuse, vilains, sorcières, ridés, gauches ou roux, le monde est à nous.

à tontonkomar...

je consulte souvent mon réfrégirateur comme un oracle... J'ouvre la porte, m'assois par terre et contemple le vide. J'aime cette lumière, son moteur et le petit ronflement. Je découvre parfois des cartons vides, une banane vieille d'une semaine, un concombre, un pot vide, un sachet en salade ou une salade en sachet et cette imperturbable harissa.

Pourquoi avoir un réfrégirateur pour n'y mettre finalement rien d'exeptionnel... Je ne sais pas, des langoustes par exemple, des confitures de grand-mère, des plats mijotés avec amour, non nothing at all.

A force de consulter mon oracle, je ne lui pose plus de question sur mon avenir et fini par le prier de me donner des jours meilleurs que l'on partagerait. "Imagines toi avec un ventre plein de bonnes choses, ça te ferais plaisir, non ?" Rien que de caresser cette idée me réchauffe le corps.

Les jambes écartées, l'une retenant la porte et l'autre contre le mur, j'appuis mes mains sur le sol, la tête et le tronc penchés en arrière, de façon à ce que son souffle frais effleure mon sexe, mes seins et ma gorge. Chaque nuit, je redécouvre ton intérieur. Ma vision se floute et il ne reste de toi que les couleurs de nos jeûnes.

Anne ma soeur A...


Wednesday, October 12, 2005

Grand concours de Turn Radical


Je vous propse de vous inscrire dans les "comments" en bas de l'article pour le grand concours de Turn Radicaux. Le but est courir.... courir sur une plage... d'effectuer un tournant radical jusqu'à ce le corps soit le plus près du sol.
Les dates seront fixées à partir du nombre de candidats espérés.
Merci de votre participation.
Annka

L'homme roux Iconographie médiévale de Judas

Comme tous les traîtres, Judas ne pouvait pas ne pas être roux. Il l'est donc progressivement devenu au fil des siècles, d'abord dans les images dès la fin de l'époque carolingienne, puis dans les textes à partir du XIIe siècle. Ce faisant, il a rejoint un petit groupe de félons et de traîtres célèbres que les traditions médiévales avaient pris l'habitude de distinguer par une chevelure ou par une barbe rousse : Caïn, Dalîla, Saül, Ganelon, Mordret et quelques autres.

Depuis longtemps, en effet, la trahison avait en Occident ses couleurs, ou plutôt sa couleur, celle qui se situe à mi-chemin entre le rouge et le jaune, qui participe de l'aspect négatif de l'une et de l'autre et qui, en les réunissant, semble les doter d'une dimension symbolique non pas double mais exponentielle. Ce mélange du mauvais rouge et du mauvais jaune a peu à voir avec notre orangé, lequel constitue du reste une nuance et un concept chromatiques pratiquement inconnus de la sensibilité médiévale, mais plutôt la version sombre et saturée de celui-ci : le roux, couleur des démons, du goupil, de l'hypocrisie, du mensonge et de la trahi­son. Dans la rousseur médiévale il y a toujours plus de rouge que de jaune, et ce rouge ne brille pas comme du vermeil, mais au contraire présente une tonalité mate et terne comme les flammes de l'Enfer, qui brûlent sans éclairer.
Judas n'est pas seul
Aucun texte canonique du Nouveau Testament, ni même aucun évangile apocryphe, ne nous parle de l'aspect physique de Judas. Par là même, ses représentations dans l'art paléochrétien puis dans l'art du premier Moyen Âge ne se caractérisent par aucun trait ni attribut spécifique. Dans la figuration de la Cène, toutefois, un effort est tenté pour le distinguer des autres apôtres, en lui faisant subir un écart différentiel quelconque, concernant sa place, sa taille, son attitude ou sa pilosité. Mais ce n'est qu'à l'époque de Charles le Chauve, dans la seconde moitié du IXeme siècle, qu'apparaît puis se diffuse l'image de sa chevelure rousse. Cela se fait lentement, d'abord dans les miniatures, puis sur d'autres supports d'image (fig. 1 et 2). Née dans les pays rhé­nans et mosans, cette habitude iconographique gagne peu à peu une large partie de l'Europe occidentale (en Italie et en Espagne, elle restera, cependant, longtemps plus rare qu'ailleurs). Puis, à partir du XIIIe siècle, cette chevelure rousse, souvent associée à une barbe de même couleur, devient dans la panoplie embléma­tique de Judas le premier et le plus récurrent de tous ses attributs
Ces derniers sont pourtant nombreux : petite taille, front bas, masque bestial ou convulsé, peau sombre, nez crochu, bouche épaisse, lèvres noires (à cause du baiser accusateur), nimbe absent ou bien également de couleur noire (chez Giotto, par exemple), robe jaune, gestualité désordonnée ou dissimulée, main tenant le poisson volé ou la bourse aux trente deniers, démon ou crapaud entrant dans sa bouche, chien placé à ses côtés. Comme le Christ, Judas ne peut pas ne pas être identifié avec certitude. L'un après l'autre, chaque siècle l'a pourvu de son cortège d'attributs, au sein desquels chaque artiste a été libre de sélectionner ceux qui s'ac­cordaient le mieux avec ses préoccupations iconographiques, ses ambitions artistiques ou ses intentions symboliques. Un seul attribut, toutefois, est presque toujours présent à partir du milieu du XIIIe siècle : la chevelure rousse.

Judas n'a pas le monopole de celle-ci. Dans l'art du Moyen Age finissant, un certain nombre de traîtres, de félons et de rebelles sont parfois, voire souvent, roux. Ainsi Caïn (fig. 6] qui, dans la symbolique typologique mettant en parallèle les deux Testaments, est presque toujours présenté comme une préfiguration de Judas. Ainsi Ganelon, le traître de la Chanson de Roland, qui par ven­geance et jalousie n'hésite pas à envoyer au massacre Roland (pourtant son parent) et ses compagnons. Ainsi Mordret, le traître de la légende arthurienne : fils incestueux du roi Arthur, il trahit son père, et cette trahison provoque l'écroulement du Royaume de Logres et le crépuscule de tout l'univers des chevaliers de la Table Ronde. Ainsi encore les seigneurs rebelles des légendes épiques ou des romans courtois. Ainsi les sénéchaux, prévôts et baillis qui cherchent à prendre la place de leur seigneur. Ainsi les fils révoltés contre leur père, les frères parjures, les oncles usurpa­teurs, les femmes adultères. Ainsi enfin tous ceux qui, dans les récits hagiographiques ou les traditions sociales, se livrent à une activité déshonnête ou illicite et qui, ce faisant, trahissent l'ordre établi : bourreaux, prostituées, usuriers, changeurs, faux-monnayeurs, jongleurs, bouffons, auxquels il faut joindre trois métiers dépréciés que mettent en scène les contes et les traditions orales : les forgerons,.qui passent pour sorciers; les meuniers, qui sont toujours présentés comme des stockeurs et des affameurs ; les bou­chers, immuablement cruels et sanguinaires, tel celui de la légende de saint Nicolas.

Certes, dans les dizaines de milliers d'images que les XIIIe, XIVe et XVe siècles nous ont laissées, tous ces personnages ne sont pas toujours roux, loin s'en faut. Mais être roux constitue un de leurs caractères iconographiques ou déictiques les plus remarquables, au point que peu à peu cette chevelure rousse s'étend à d'autres caté­gories d'exclus et de réprouvés : hérétiques, juifs, musulmans, bohémiens, cagots, lépreux, infirmes, suicidés, mendiants, vaga­bonds, pauvres et déclassés de toutes espèces. La rousseur dans l'image rejoint ici les marques et les insignes vestimentaires de couleur rouge ou jaune que ces mêmes catégories sociales ont réel­lement dû porter, à partir du XIIIe siècle, dans certaines villes ou régions d'Europe occidentale8. Elle apparaît désormais comme le signe iconographique premier du rejet ou de l'infamie.
La couleur de l'autre
À la fin du Moyen Âge, cette rousseur infamante ne constitue en rien une nouveauté. Au contraire, l'Occident médiéval la connaît et l'instrumentalise depuis longtemps. Elle semble même l'avoir reçue d'un triple héritage, tout à la fois biblique, gréco-romain et germanique.

Dans la Bible, en effet, si ni Caïn ni Judas ne sont roux, d'autres personnages le sont et, à une exception près, ce sont des personnages négatifs à un titre ou à un autre. D'abord Ésaü, le frère jumeau de Jacob, dont le texte de la Genèse nous dit qu'il était dès sa nais­sance « roux et velu comme un ours1'». Fruste et impétueux, il n'hésite pas à vendre à son frère son droit d'aînesse pour un plat de lentilles et, malgré son repentir, il se trouve exclu de la béné­diction paternelle et messianique et doit quitter la Terre pro­mise. Ensuite Saül, le premier roi d'Israël, dont la fin de règne est marquée par une jalousie morbide envers David, jalousie le conduisant jusqu'à la folie et au suicide. Enfin Caïphe, le grand prêtre de Jérusalem qui préside le Sanhédrin lors du procès de Jésus et qui a ses pendants dans l'Apocalypse, où dragons et che­vaux roux sont comme lui des créatures de Satan, ennemis des Justes et de l'Agneau. L'exception est constituée par David lui-même, que le livre de Samuel décrit comme « roux, au regard clair et à la belle prestance». Il s'agît là de la transgression d'une échelle de valeurs comme on en rencontre dans tout système sym­bolique. Pour que le système fonctionne efficacement, il faut une soupape, une exception. David est cette exception et, ce faisant, annonce Jésus. On retrouve en effet un phénomène voisin dans l'iconographie chrétienne qui, à partir du XIIe siècle, représente parfois le Christ avec des cheveux roux, comme Judas, notam­ment dans la scène de l'arrestation et du baiser (fig. 1-5). C'est à la fois une inversion du système pour le rendre encore plus per­formant et une façon de montrer comment les pôles les plus opposés finissent par se rejoindre. C'est aussi et surtout une mise en scène de l'osmose qui, par le baiser de la trahison, s'opère entre la victime et son bourreau, entre Jésus et Judas.

Dans les traditions gréco-romaines, la chevelure rousse était déjà pareillement prise en mauvaise part. La mythologie grecque, par exemple, la place sur la tête de Typhon, être monstrueux, fils révolté de la Terre, ennemi des dieux et particulièrement de Zeus. Diodore de Sicile, historien grec du Ier siècle avant notre ère, raconte comment « autrefois » on sacrifiait des hommes roux à Typhon pour apaiser sa colère. Légende peut-être venue de l'Egypte ancienne, où Seth, le dieu identifié au principe du Mal, passait lui aussi pour être roux et pour recevoir, au dire de Plutarque, le sacrifice d'êtres humains aux cheveux de même couleur.

Les choses sont moins sanglantes à Rome, mais les roux n'y sont pas moins dévalorisés pour autant. Ainsi le mot rufus est-il, surtout à l'époque impériale, à la fois un surnom souvent teinté de ridicule et une des injures les plus ordinaires. Elle le restera tout au long du Moyen Âge, surtout dans les milieux monastiques où, très banalement, dans la vie quotidienne, on n'hésite pas entre moines à se traiter de rufus ou de subrufus (ce qui est pire...}. Dans le théâtre romain, la chevelure rousse ou les ailes roussâtres attachées aux masques désignent les esclaves ou les bouffons. Enfin, tous les traités de physiognomonie - pour la plupart héri­tiers d'un texte du IIIe siècle avant notre ère attribué à Aristote -présentent les hommes roux comme des êtres faux, rusés et cruels, à l'image du goupil. Tradition qui en Occident perdurera dans ce type de littérature jusqu'en plein XIXe siècle et dont quelques reliquats peuvent s'observer aujourd'hui encore16.

Dans le monde germano-Scandinave, où a priori l'on pourrait s'attendre à ce que les roux, relativement nombreux, soient mieux considérés qu'ailleurs, il n'en va guère différemment. Le dieu le plus violent et le plus redouté, Thor, est roux; de même qu'est roux Loki, démon du feu, génie destructeur et malfaisant, père des monstres les plus horribles. L'imaginaire des Germains - comme du reste celui des Celtes - ne diffère en rien, vis-à-vis de la chevelure rousse, de celui des Hébreux, des Grecs et des Romains.

Le Moyen Âge chrétien, doté de ce triple héritage, ne pouvait que renforcer et prolonger de telles traditions. Toutefois, son ori­ginalité me semble résider dans la spécialisation progressive de la rousseur comme couleur du mensonge et de la trahison. Certes, tout au long du Moyen Âge, être roux c'est encore, comme dans l'Antiquité, être cruel, sanglant, laid, inférieur ou ridicule; mais au fil du temps cela devient surtout être faux, rusé, menteur, trompeur, déloyal, perfide ou renégat. Aux traîtres et aux félons de la littérature et de l'iconographie, déjà évoqués, s'ajoutent les roux déconsidérés des ouvrages didactiques, des encyclopédies, des livres de manières et, surtout, des proverbes. Nombreux sont en effet jusque fort avant dans l'époque moderne, tant en latin que dans les langues vernaculaires, les proverbes qui invitent à se défier des hommes roux. En eux «il n'y a pas de fiance» (aucune confiance n'est possible), dit par exemple un proverbe fréquem­ment cité du XIVe au XVIe siècle ; d'autres ajoutent qu'il faut éviter de les prendre pour amis, d'en faire ses parents, de les recevoir dans l'état ecclésiastique, de les faire monter sur le trône. Les superstitions ne sont pas en reste qui, dès la fin du Moyen Âge, considèrent que croiser sur son chemin un homme roux est un mauvais présage et que toutes les femmes ayant les cheveux de cette couleur sont plus ou moins sorcières. Le roux, ici comme ailleurs, est une manière de paria, même si, comme dans la Bible, il existe quelques exceptions formant soupape à un système de valeurs généralisé dans toute l'Europe médiévale. Ainsi Frédéric Barberousse, qui régna sur le Saint-Empire de 1152 à 1190 et qui de son vivant eut maille à partir avec de nombreux adversaires - au point d'être comparé à l'Antéchrist -, mais qui devint après sa mort un véritable personnage de légende eschatologique : endormi dans les monts de Thuringe, il se réveillera avant la fin des temps pour rendre à l'Allemagne sa grandeur passée...

Depuis longtemps, historiens, sociologues, anthropologues ont tenté d'expliquer ce rejet des hommes roux dans les traditions européennes. Pour ce faire, ils ont eu recours à différentes hypo­thèses, y compris les plus inquiétantes : celles qui sollicitent la bio­logie et qui présentent la rousseur des poils et de la peau comme un accident de pigmentation lié à une forme de dégénérescence génétique ou ethnique. Qu'est-ce qu'une dégénérescence ethni­que? Et même génétique? L'historien et l'anthropologue restent perplexes devant de telles explications, faussement scientifiques et certainement dangereuses. Pour eux, tout, dans le rejet de la rousseur, est d'ordre culturel et taxinomique : dans toute société, y compris les sociétés celtes et Scandinaves, le roux, c'est d'abord celui qui n'est pas comme les autres, celui qui fait écart, celui qui appartient à une minorité et qui donc dérange, inquiète ou scandalise. Le roux, c'est l'autre, le différent, le réprouvé, l'exclu. Point n'est besoin de convoquer une improbable et dangereuse « dégénérescence ethnique » pour cerner les causes et les enjeux du rejet dont furent victimes en Europe, dans la longue durée, les hommes et les femmes ayant les cheveux roux.
Rouge, jaune et tacheté
II s'agit avant tout d'un problème de sémiologie sociale : le roux n'est pleinement roux qu'au regard des autres et pour autant qu'il s'oppose au brun ou au blond. Mais il s'agit aussi, dans la culture médiévale, d'une question de symbolique chromatique. Roux est plus qu'une nuance de couleur; c'est presque devenu au fil des siècles une couleur à part entière, une couleur dévalorisée, « la plus laide de toutes couleurs », va jusqu'à proclamer un traité de blason probablement compilé dans la première moitié du XVe siècle, qui voit associés en elle tous les aspects négatifs et du rouge et du jaune.

Toutes les couleurs, en effet, peuvent être prises en bonne ou en mauvaise part. Même le rouge n'échappe pas à cette règle, lui qui, en Occident, de la protohistoire jusqu'au XVIe siècle, a pen­dant si longtemps représenté la première des couleurs, la couleur « par excellence ». Il y a un bon et un mauvais rouge, comme il y a un bon et un mauvais noir, un bon et un mauvais vert, etc. Au Moyen Âge, ce mauvais rouge est le contraire du blanc divin et christologique et renvoie directement au Diable et à l'Enfer. C'est la couleur du feu infernal et du visage de Satan. A partir du XIIe siècle, l'iconographie, qui jusque-là donnait au prince des ténèbres un corps et une tète de différentes couleurs, générale­ment sombres, le dote de plus en plus souvent d'un faciès rouge et d'une pilosité rougeoyante. Par extension, toutes les créatures à tête ou à poils rouges sont considérées comme plus ou moins dia­boliques (à commencer par le renard, qui est l'image même du «Malin»), et tous ceux qui s'emblématîsent dans cette couleur ont plus ou moins à voir avec le monde de l'Enfer. Ainsi, dans les romans arthuriens des XIIe et XIIIe siècles, les nombreux chevaliers vermeils — c'est-à-dire ceux dont le vêtement, l'équipement et les armoiries sont uniformément rouges - qui se dressent sur le che­min du héros pour le défier ou pour le tuer: ce sont toujours des chevaliers animés de mauvaises intentions, parfois venus de l'autre-monde, et qui s'apprêtent à faire couler le sang. Le plus célèbre d'entre eux est Méléagant, fils de roi mais chevalier félon qui, dans le roman de Chrétien de Troyes le Chevalier à la Charrette, enlève la reine Guenièvre.

Anthroponymie et toponymie confirment ce caractère péjoratif de la couleur rouge. Les noms de lieux dans la formation desquels entre le mot « rouge » désignent souvent des endroits réputés dan­gereux, spécialement dans la toponymie littéraire ou imaginaire. Quant aux surnoms « le Rouge » ou « le Roux », ils sont fréquents
et presque toujours dévalorisants : soit ils indiquent une chevelure rousse ou une face rougeaude; soit ils rappellent le port d'une marque vestimentaire infamante de cette même couleur (bour­reaux, bouchers, prostituées); soit, et cela est fréquent dans l’anthroponymie littéraire, ils soulignent le caractère sanglant, cruel ou diabolique de celui qui en est doté.

À bien des égards, ce mauvais rouge est donc, pour la sensibilité médiévale, celui de Judas, homme roux et apôtre félon, par la tra­hison duquel le sang du Christ a été versé. En Allemagne, à la fin du Moyen Âge, circule un jeu de mots étymologique qui fait déri­ver son surnom Iskariot (« l'homme de Cairoth ») de ist gar rot, c'est-à-dire l'homme qui « est tout rouge ». Mais Judas n'est pas seulement rouge; il est aussi jaune, couleur du vêtement que lui donnent de plus en plus souvent les images à partir de la fin du XIIe siècle (fig. 5). Car être roux, c'est participer à la fois du rouge sanguinaire et infernal - c'est-à-dire du mauvais sang et du mau­vais feu - et du jaune félon et mensonger. Au fil des siècles, en effet, dans les systèmes chromatiques européens, le jaune n'a pas cessé de se dévaluer. Alors qu'à Rome il constituait encore une des couleurs les plus recherchées, et même une couleur sacrée, jouant un rôle important dans les rituels religieux, il est progressivement devenu une couleur délaissée, puis rejetée. Aujourd'hui encore, comme le montrent toutes les enquêtes d'opinion conduites autour de la notion de couleur préférée, le jaune est une couleur mal-aimée; c'est toujours lui qui est cité en dernier parmi les six couleurs de base : bleu, vert, rouge, blanc, noir, jaune. Ce rejet date du Moyen Âge.

Cette dévalorisation du jaune est déjà bien attestée au XIIIe siècle lorsqu'il passe déjà, dans de nombreux textes littéraires et ency­clopédiques, pour la couleur de la fausseté et du mensonge et qu'il devient peu à peu la couleur des juifs et celle de la Synagogue. À partir des années 1220-1250, l'imagerie chrétienne en fait un usage récurrent : un juif, c'est désormais un personnage habillé de jaune ou bien qui porte du jaune sur une des pièces de son vête­ment : robe, manteau, ceinture, manches, gants, chausses et sur­tout chapeau. Progressivement, ces pratiques passent de l'image et de l'imaginaire à la réalité puisque, en plusieurs villes du Lan­guedoc, de Castille, d'Italie du Nord et de la vallée du Rhin, des règlements vestimentaires obligent les membres des communautés juives à faire pareillement usage d'un signe distinctif à l'intérieur duquel cette couleur prend fréquemment place. L'étoile jaune trouve ici quelques-unes de ses racines, mais l'histoire de celles-ci reste à écrire dans le détail.

Malgré une bibliographie abondante, les signes et marques imposés aux juifs dans les sociétés médiévales demeurent en effet mal étudiés. Contrairement à ce qu'ont cru trop rapidement cer­tains auteur, il n'y a pas de système commun à l'ensemble de la Chrétienté, ni même d'habitudes récurrentes dans un pays ou dans une région avant le XIV siècle. Certes, la couleur jaune - couleur traditionnellement associée à la Synagogue dans les images - est plus fréquente que les autres à partir de cette date. Mais pendant longtemps, les autorités municipales ou royales ont prescrit également le port de marques unies rouges, blanches, vertes, noires ; ou bien mi-parties, coupées ou écartelées jaunes et rouges, jaunes et vertes, rouges et blanches, blanches et noires. Jusqu'au XVIe siècle, les associations chromatiques sont nom­breuses, de même que la forme de la marque : ce peut être une rouelle - cas le plus fréquent -, un annelet, une étoile, une figure ayant la forme des tables de la Loi, mais aussi une simple écharpe, un bonnet ou même une croix. Quand il s'agit d'un insigne cousu sur le vêtement, il se porte tantôt sur l'épaule, tantôt sur la poi­trine, tantôt dans le dos, tantôt sur la coiffe ou le bonnet, parfois en plusieurs endroits. Ici non plus il n'est pas possible de générali­ser. Voici, à titre d'exemple parmi les plus anciens, le texte tra­duit en français moderne d'une ordonnance latine de Saint Louis, prescrivant en 1269 à tous les juifs du royaume de France de porter une rouelle de couleur jaune :
Parce que nous voulons que les juifs puissent être reconnus et distingués des chrétiens, nous vous ordonnons d'imposer des insignes à chaque juif des deux sexes : à savoir une roue de feutre ou de drap de couleur jaune, cousue sur le haut du vête­ment, au niveau de la poitrine et dans le dos, afin de constituer un signe de reconnaissance. Le diamètre de cette roue sera de quatre doigts et sa surface assez grande pour contenir la paume d'une main. Si à la suite de cette mesure un juif est trouvé sans cet insigne, la partie supérieure de son vêtement appartiendra à celui qui l'aura trouvé ainsi.
Ce qui favorise l'emploi du jaune comme mauvaise couleur à la fin du Moyen Age, c'est peut-être l'usage immodéré de l'or et du doré dans tous les domaines de la création artistique et, partant, dans la plupart des systèmes emblématiques et symboliques. Cet or est à la fois matière et lumière; il exprime au plus haut point cette recherche de la luminosité et de la densité des couleurs qui caractérise toute la sensibilité du Moyen Age finissant. Par là même, l'or devient peu à peu le « bon jaune », et tous les autres jaunes se déprécient. Non seulement le jaune qui tend vers le rouge, comme dans la chevelure rousse de Judas; mais aussi le jaune qui tend vers le vert, celui que nous appelons aujourd'hui le « jaune citron ». Le jaune-vert ou, plus justement, l'association ou le rapprochement du jaune et du vert - deux couleurs qui ne sont jamais voisines dans les classements médiévaux des couleurs -semble constituer pour l'œil médiéval quelque chose d'agressif, de déréglé, d'inquiétant. Ce sont, lorsqu'elles sont associées, les cou­leurs du désordre, de la folie, du dérèglement des sens et de l'es­prit. Comme telles, elles prennent place sur les costumes des fous et des bouffons de cour, sur les vêtements de l'Insensé du livre des Psaumes et, surtout, sur ceux de Judas, dont la robe jaune est fré­quemment associée, du XIVe au XVIe siècle, à une autre pièce de vêtement de couleur verte.

Cependant, être roux, ce n'est pas seulement réunir sur sa per­sonne les aspects négatifs du rouge et du jaune. Etre roux, c'est aussi avoir la peau semée de taches de rousseur, c'est être tacheté, donc impur, et participer d'une certaine animalité. La sensibilité médiévale a horreur de ce qui est tacheté. Pour elle, le beau c'est le pur, et le pur c'est l'uni. Le rayé est toujours dévalorisant (de même que sa forme superlative: le damier) et le tacheté, parti­culièrement inquiétant. Rien d'étonnant à cela dans un monde où les maladies de peau sont fréquentes, graves et redoutées, et où la lèpre, qui en représente la forme extrême, met ceux qui en sont atteints au ban de la société. Pour l'homme médiéval, les taches sont toujours mystérieuses, impures et avilissantes. Elles font du roux un être malade, malsain, presque taboue. À cette impureté conspécifique s'ajoute une connotation d'animalité, car non seu­lement l'homme roux a le poil de l'hypocrite goupil ou du lubrique écureuil", mais il est aussi recouvert de taches comme les animaux les plus cruels : le léopard, le dragon et le tigre, ces trois ennemis redoutables du lion. Non seulement il est faux et vicieux comme le renard, mais aussi il est féroce et sanguinaire comme le léopard. D'où la réputation d'ogre qui est parfois la sienne dans le folklore et dans la littérature orale jusqu'en plein XVIIIe siècle.
Tous les gauchers sont roux
L'image religieuse du Moyen Age finissant obéit à des contrôles rigoureux, dans le livre manuscrit notamment. Depuis que l'enlu­minure est en partie passée aux mains des laïques, les dangers d'un encodage moins répétitif, ou trop débridé, se sont accrus, et avec eux les risques de surlecture ou de glissement de sens. D'où des contrôles dans le choix et dans l'élaboration des scènes représen­tées. D'où également des redondances de toutes natures pour mettre en scène les personnages. Au fil des décennies, l'image semble insister de plus en plus, spécialement lorsqu'il s'agit de personnages négatifs. Un traître doit absolument être lu comme un traître. Il faut donc multiplier les attributs et les marques de l'image qui aident à l'identifier comme tel.

En ce domaine, le cas de Judas est exemplaire. À partir du début du XIVe siècle, la chevelure rousse ne suffît plus, le masque bestial ne suffît plus, le «délit de sale gueule» ne suffit plus. II faut désormais relayer et renforcer les signes qui s'inscrivent sur la tête par d'autres signes prenant place sur le corps et sur le vête­ment. D'où ce foisonnement d'attributs et de caractères spéci­fiques, évoqués au commencement de cette étude. Parmi ceux-ci, l'un intéresse la gestualité et devient de plus en plus récurrent dans la panoplie emblématique de l'apôtre félon : la gaucherie. Judas au fil des siècles tend à devenir gaucher! C'est désormais avec sa main gauche qu'il reçoit (puis qu'il rend) la bourse aux trente deniers; c'est avec sa main gauche qu'il cache derrière son dos le poisson volé, ou bien qu'il porte à sa bouche la bouchée accusatrice au moment de la Cène, puis qu'il installe la corde pour se pendre lorsque est venu le temps du repentir. Certes, de même qu'il n'est pas toujours roux, Judas n'est pas toujours gaucher. Mais c'est là une caractéristique suffisamment fréquente, surtout dans les images flamandes et allemandes, pour attirer l'attention.
D'autant qu'en général les personnages gauchers sont très rares dans l'imagerie médiévale.

J'avais autrefois entrepris d'en établir le corpus et j'ai été suivi dans cette voie par Pierre-Michel Bertrand, dont les travaux récents sur l'histoire de la gaucherie font désormais autorité. Or si quan­titativement la moisson reste maigre, qualitativement elle est ins­tructive. Tous les gauchers de l'iconographie médiévale sont, à un titre ou à un autre, des personnages négatifs. Et ce, qu'il s'agisse de héros de premier plan ou de comparses de troisième zone, se livrant à quelque occupation infâme ou répréhensible sur les bords de l'image ou dans le fond de la scène. Parmi eux, on retrouve certains des exclus ou des réprouvés mentionnés plus haut, notamment les bouchers, les bourreaux, les jongleurs, les changeurs et les prosti­tuées. Mais c'est surtout du côté des non chrétiens (païens, juifs, musulmans) et du côté de l'Enfer (Satan, créatures démoniaques) que se rencontrent ces gauchers de l'imagerie médiévale : ici les sou­verains et les chefs commandent et ordonnent de la main gauche, la mauvaise main, la main fatale ; et c'est avec cette même main que leurs soldats ou leurs serviteurs exécutent leurs ordres. L'univers du mal apparaît- en partie - comme un univers de gauchers.

Il n'est pas nécessaire de s'attarder ici sur le caractère péjoratif de la main gauche. Les études ne font pas défaut qui attestent cette tradition dans la plupart des cultures, y compris, bien évidem­ment, dans les cultures européennes. Pour la période médiévale, on retrouve ici le triple héritage biblique, gréco-romain et germa­nique évoqué plus haut. La Bible notamment souligne à maintes reprises la prééminence de la main droite, du côté droit, de la place à droite, et, inversement, la défaveur ou la perversité de tout ce qui se trouve à gauche. À cet égard, un passage de l'évan­gile de Matthieu a tout particulièrement frappé les hommes du Moyen Âge. Il s'agit du dernier discours prononcé par Jésus avant les événement de sa Passion, discours déjà eschatologique, annon­çant le retour du Fils de l'Homme :
Devant lui seront assemblées toutes les nations, et il séparera les uns d'avec les autres, comme le berger sépare les brebis d'avec les boucs ; et il placera les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche. [...] Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche: Allez loin de moi, maudits, au feu éternel [...]

Pour la culture du Moyen Âge chrétien, la main gauche est celle des ennemis du Christ. De ce fait, elle devient celle dont se ser­vent quelquefois dans les images ses juges (Caïphe, Pilate, Hérode) ou ses bourreaux : ceux qui le lient, ceux qui le flagel­lent, ceux qui le clouent sur la croix, ceux qui continuent de le faire souffrir une fois qu'il est crucifié. Et de même qu'elle est aussi celle de Satan et de ses créatures, la main gauche devient éga­lement celle dont les traîtres, les hérétiques et les infidèles accom­plissent leurs méfaits. Parmi eux, bien sûr, les roux que nous avons rencontrés dans le cortège de la félonie : Caïn, Dalila, Saül, Ganelon, Mordret, tous traîtres pour qui, comme pour Judas, les attri­buts emblématiques conventionnels ne suffisent plus : il faut désormais, aux XIVe et XVe siècles, y ajouter parfois les vices de la gestualité. C'est ainsi que Caïn (fig, 6) tue Abel de la main gauche (en général avec une bêche ou avec une mâchoire d'âne); que Dalila rase les cheveux de Samson de la main gauche; que Saül se suicide en tenant sa lance ou son épée de la main gauche; que Ganelon et Mordret - le traître de la littérature épique et celui du roman arthurien - combattent parfois de la main gauche.

Certes, comme Judas, ces quatre personnages ne sont pas tou­jours gauchers. Mais on peut observer que, lorsqu'ils le sont, ils sont également roux. Comme sont souvent roux, à partir du milieu du XIVe siècle, les bourreaux, les chevaliers félons et les per­sonnages cruels qui instrumentent de la main gauche. Doréna­vant, et pour plusieurs décennies, si tous les roux ne sont pas gauchers dans l'imagerie occidentale, en revanche tous les gauchers, ou presque, sont roux.


« Une Histoire Symbolique du Moyen-Age »
Michel Pastoureau
La Librairie du XXe Siècle (Seuil)

merci claudejjbertrand

Tuesday, October 11, 2005

ely ma zab ou la lanterne magique




Ely ma zab, est une inventive, lunaire, qui entre les pauses "au magasin des quatre saisons" s'échappe en attrapant la lumière zénithale. C'est l'époque du bois blanc, meubles nomades, conçu pour les jeunes ménages. C'est la mode des grandes surfaces et le début des meubles en kit.


Mr L. marié trois fois déjà, avait conçu des cubes que l'on empilait pour réaliser les étagères soi-même. Quel incroyable bonhomme! Avec son Défelcot caramel et ses sabots suédois vous imaginez la touche! Un avant-gardiste, tendance beatniks biznessman en plein coeur de la capitale.


Un vent de folie avait soufflé sur Paris et des personnes venues de je ne sais où s'engouffraient dans le magasin. La queue ne s'arrêtait pas de désemplir de l'ouverture à la fermeture. Rue trousseau, Grenelle au dessus du métro aérien, vous pouviez trouver tout ce que la ménagère de moins de cinquante ans désirait : tissus patchwork, coton fermière, porcelaine blanche,lanterne magique, sabots, salon de thé...Le loft divisé en deux, 1 partie accessoires, l'autre partie pour le meuble.

Le kit c'était la trouvaille de Mr L. bien avant que le grand I fasse fortune...L'expédition était simple et les gens de province commandaient sans arrêt. Il eut même fallu que Mr L. demande de l'aide à l'une de ses ex-femmes pour s'occuper de la comptabilité. Ely ma zab est polyvalente, entre deux services en tant que vendeuse, elle répond par écrit aux personnes de province sur les imprimés.

Aux halls à Paris de 11h du mat à 18h, le magasin tournait comme une usine à gaz avant l'expulsion définitive de celui-ci pour la construction du forum...

Alors, avant que le couperet tombe et change encore une fois la vie d'Ely... Elle imagine un monde bollywoodien, où les essences de santal parfument ses projets futurs, pleins d'humanisme.

Au milieu du dix-septième siècle Altan Khan deviendrait une figure emblématique de la religion tibétaine. Altan tenait de son père -adoptif- une histoire ayant marqué toute sa jeunesse.

Un jeune garçon avait hérité, à la mort de sa mère, d’un bout de terre à cultiver. Il y poussait de nombreux fruits et racines, assez pour nourrir toute une famille. Pris d’une grande solitude, souvent, il se rendait au jardin. Son endroit favori se trouvait près des ronces. Ce long mur blanc que sa mère longeait, y cueillir les mûres qu’elle chérissait tant. Son ombre le surprenait souvent. Il croyait y voir le fantôme de sa mère. Mais il ne se passait jamais rien, si ce n’est que le temps prit de l’avance.

Déjà dix ans, le jeune homme n’a rien vu passer. Il se baissa pour arracher à la terre sa nourriture quand soudain derrière lui une feuille lui murmure :

« sss, mmm, je suis mûre, la mûre sauvage de ton jardin, je crois que mes membres sont trop à l’étroit chez toi. »

Le jeune homme, qui n’en était plus un depuis dix ans, se dressa comme un «i ». Son regard balaya le petit bout de terre dévasté. Plus un fruit ne subsistait, les racines étaient rabougries et ces ronces envahissaient tout l’espace.

« Je n’ai aimé que toi petite mûre sauvage et tu es devenue un monstre. »

La plante avait fait le vide, il n’y avait plus âme qui vive. Lentement elle déroula une de ses branches épineuses et vint prendre appui sur ses épaules.

« Sais-tu que je me suis nourri de ton amour, chaque épine, chaque fruit ne bat que pour toi. »

La lutte dura plusieurs jours, elle était inégale. Son corps pleurait le sang en fines perles.

Le père d’Altan Khan disait l’avoir retrouvé, sans vie, couché dans un lit de ronces. A chaque fois qu’il racontait à son fils cette terrible histoire, il finissait par lui dire : « protège tes amis, aime les tous et sois équitable. »

Altan Khan organise l’Eglise tibétaine en 1642 sous les ordres du dalaï-lama.

Un rêve à dormir debout


Ce soir est un soir comme les autres, j’ai dix-sept ans. Les mocassins de Valérie sont au pied de mon lit. Ce sont des «sébago classics » bleus marine, de taille trente huit. Elle les a oubliés un jour.

Mon lit est placé contre le mur gauche de la fenêtre. Je dis ça parce qu’à l’époque, je changeais toujours les meubles de place. Assise, je vois les mocassins éclairés par la lumière naturelle. Je m’allonge et m’évanouis dans les bras de Morphée, sans penser que cette nuit serait déterminante pour moi.

Les yeux mi-clos et la conscience en stand-by, je sais que ce matin est différent. Des bribes de rêve jaillissent à chaque fois que je ferme les yeux. Ce rêve est trop présent, trop fort, je suis chamboulée. Ma nuit a du être mouvementée car je sens les draps vrillés. La maison n’est pas encore réveillée. Je me redresse et pose mon dos au mur. Je vois les mocassins, je me souviens…


Valérie se tient là debout devant moi, sans que je la voie vraiment, ses yeux peut-être. Je suis rassurée et pleine d’interrogations, au vu des événements. Derrière elle, une fumée blanche tisse un épais nuage lumineux. Elle ouvre ses bas et mon être se dirige vers elle. Mais au lieu de me réconforter, les nuages s’ouvrent sur un décor en contre-jour. Je prends la direction indiquée. Le chemin est long pour arriver jusque là.

En chemin, je rencontre mes grands-parents paternels, souriants et heureux. C’est bizarre car tout ressemble à du carton pâte ou des images figées. En fait, le silence est écrasant et perturbe la vision. Mais dans le ressenti, on voit, on entend, on sent le Tout. J’ai vu des gens de ma famille que je ne connaissais pas et d’autres encore. Sans doute étions-nous liés par l’esprit, je ne sais pas.


J’arrive dans un lieu où les maisons et les boutiques ressemblent à un décor de western. Les rues sont désertes, Valérie est toujours là. « Ici, on ne manque de rien, regarde. » J’entre dans une des baraques où sont présentés des manteaux de fourrure. Je penche la tête et autour de mon cou s’est lové une queue de renard blanc. Je pense à ma mère, ça lui ferait tant plaisir mais c’est impossible, je sais. Je ferme les yeux et…


Je suis dans le vide, la terre devient de plus en plus petite, il y a des étoiles partout. Les planètes défilent ou c’est peut-être moi qui bouge. Des séquences d’images affluent si nombreuses que je ne puis dire ce que j’ai vu. J’ai seulement ressenti une grande pression émotive. Soudain, tout s’arrête, je flotte, l’infiniment grand rejoins l’infiniment petit, tout est là et c’est euphorie. Les planètes deviennent les têtes de bonzes rieurs, je ris.

«Ne sépare pas, ni les corps, ni l’esprit, ni les choses»

«Regarde la nature, elle sait si bien te montrer le chemin, observe »

« Parfois savoir n’est pas toujours bien, tu ne sais jamais »

«Chacun doit être à sa place, il en est ainsi des plantes, des rochers, de la terre, du vent et du ciel. Chaque chose tient une place importante »

« L’homme seul a le pouvoir de transformer les choses par sa propre conscience. Faut-il seulement l’avoir à l’esprit»


Sommes-nous si importants ?

Valérie dit : « demain, tu chausseras mes mocassins et tu verras »

Tu chausses du trente-huit et moi du quarante voire parfois du quarante et un.

Je me lève et les chausse instinctivement.

Je les ai portés jusqu’au jour où ma mère les jeta, ne croyant voir que de vieux mocassins aux semelles trouées.


Alan Shepard est le premier homme à faire du golf sur le sol lunaire. Parti le 31 janvier à bord de la navette Apollo 14, avec Edgar D.Mitchell et Stuart A.Roosa, Shepard s'est séparé de la capsule pour se poser sur la lune. Mitchell l'accompagne lors de sa "promenade lunaire" qui dure 4 heures et 34 minutes. Grand passionné de golf, c'est au cours de sa deuxième ballade (4 heures et 48 minutes) qu'il frappe quelques balles près du cratère Fra-Mauro. Shepard est le cinquième homme à avoir marché sur la lune.

Nous sommes le 6 février 1971. Ely Mazab est enceinte d'un mois mais ne le sais pas encore. Tout droit sortie du métro, ses longs cheveux noirs flottent dans l'air de Paris. Placée en bandoulière sur le côté droit de sa hanche. La sacoche de cuir rouge à perles indiennes rebondi à la cadence de ses pas. La robe de velour côtelée marron s'ouvre sur des collants de coton et bottes de cuir, il fait encore froid à cette époque de l'année. Voilà un portrait assez juste de ma mère. J'oubliais sa peau blanche et ses yeux, d'un bleu si vif que tous les maraîchers de la rue d'Aligre l'appelaient "Ely Mon ange" / "Ely ma lune".

Tous les matins elle balançait de la fenêtre du troisième étage, un panier en osier encordé et Robert le vendeur d'agrumes, lui chargeait quelques pamplemouses. "Tire Ely mon ange, tire le pampy jusqu'à la lune". Les rires d'Ely, les rires du ciel, relancait de plus belle. Robert ne pouvait s'empêcher de bomber le torse, les poings sur les côtés en criant : "voyez mesdames, comme mes agrumes sont bons et comme ils rendent beau, achetez les vite. Amour, joie et vitalité du marché à la maison". Ely rendait les matins chantant.

L'origine du monde



J’ai toujours cru que les femmes qui portaient des talons aiguilles étaient des meurtrières. Cela remonte sûrement à la nuit des temps, quand – il - lui ôta une côte pour qu’elle devienne sa complémentaire.

Le monde ne se nommait pas, chaque chose n’était qu’un. Elle naquit d’un rayon de lune – il - assiste à la scène et lui aussi. Elle n’était pas vraiment à son image, de profil il lui semblait qu’elle fut difforme. Ces amas de chair mal placés et ce talon qu’il ne possédait pas – lui se méfie.

La végétation épaisse laissait à peine entrevoir son bain. Son corps était lumineux, elle tenait dans sa main son pied meurtri. Elle avait un talon aiguille de chair – lui, est si fragile.

Elle souffrait souvent de se prendre les talons entre deux rochers. Cette expérience terrestre lui valait de grands moments dans l’eau. Il ne lui voulait pas de mal, seulement l’apprendre. Savoir tout d’elle le rendait fou.


Annka

Pourquoi est-il si important que l'art vive ?



Nous sommes à un moment charnière de l'histoire humaine... Le 11 septembre 2001, est le point névralgique de cette prise de conscience, d'un éventuel basculement du passé dans le futur. L'attentat est évidemment un désastre humain mais aussi la preuve que les Etat-Unis ressemblent à un colosse aux pieds d'argiles. L'équilibre économique mondiale semble fragilisé par la détermination de personnes prêtes à braver la vie au nom de Dieu.

La raison qui me pousse à écrire ce mémoire "artistes trop artiste" c'est cette vision disproportionnée d'un monde peuplés par trop d'éveillés. La société élève sa batterie d'êtres humains devenus spécialistes, certes mais en plus fans de cette forme aigue de reconnaissance sociale. Nous sommes fans de performances sportives, techniques, fans de tout ce qui nous occupe à faire des absurdités. Nous vivons une époque moderne...

11 septembre 2001

sans titre

« Celui qui se perd dans sa passion, perd moins que celui qui a perdu sa passion »

Saint Augustin

« La folie chez les autres, c’est notre bon sens, à nous artistes »

Claude Mussino

ouvrir le bec

artiste trop artiste

Artiste trop artiste

L’inutile absurdité de l’art

Préface

Buridan, un penseur du Moyen Age, nous demandait de méditer sur le cas d’un âne qui aurait aussi faim que soif et qui serait placé à égale distance d’un seau d’eau et d’un picotin d’avoine. L’âne se laisserait mourir de faim et de soif. Il faudrait qu’il soit comme l’homme doué de libre arbitre, pour pouvoir prendre une décision en dehors de tout motif prévalant. Car nous aurions ce pouvoir d’accomplir n’importe quel acte, tout à fait absurde, étranger à tout motif, si seulement si nous avons décidé de l’accomplir. Etre dans une section, art et société actuelle, me permettait de prolonger et d’approfondir mes interrogations sur les nécessités pour un créateur de croire dans la représentation. Pourquoi l’homme a-t-il besoin de créer des représentations et des modèles ? Son imaginaire est-il nécessaire à son développement ? L’homme ne tente-t-il pas de se désincarner dans la représentation ? Ce libre arbitre, n’est-il pas dû à cette perte de l’identité ou de ses origines? Cherche-t-il un modèle ? Le créateur d’art contemporain est-il dans une vision trop artiste ? L’absurdité dans la représentation, produit-elle un impact dans notre société ? L’artiste ne met-il pas en place un système symbolique d’idées creuses annonçant une nouvelle valeur, celle d’un art inutile ? Toutes ces questions annoncent une volonté de trouver des liens qui unissent l’homme, son imaginaire et l’environnement à son potentiel créatif.

Introduction

L'art contemporain est polymorphe. Toutes les tentatives d'enfermer l'art d'aujourd'hui dans une définition, comme celles qui délimitent l'art classique, ne semblent pas appropriées. L'art est devenu profane et le sens de la beauté évolue.

Cette beauté "païenne", prolifique, nous invite à constater du mouvement de la création. La transhumance des concepts au travers du temps, bouscule les notions encore bien ancrées que nous avons acquis. Le Beau s'est déplacé sur les pages de nos magazines, dans le design ou la mode, organisés selon les principes de l'équilibre, de l'harmonie et de la symétrie. Le Beau s’est intégré à la perception que l’on a du monde moderne. Alors, la question que l’on se pose est : Que reste-t-il à l’art contemporain si l’on sait que le "Beau" tombe à l’eau ?

Peut-être est-ce le merveilleux, l’élevé, l’imaginaire, l’extraordinaire, le noble, le parfait, le transcendant ou le sublime ? Nous pouvons évoquer cette piste quand nous constatons que l’homme possède en lui toutes les clefs au dépassement. Cette mise en abîme de l’observation par la représentation plonge l’homme dans une quête infinie, celle des déductions et des raisonnements.

Mais pour comprendre les rouages de cette fascinante création artistique, il faut s’attacher au développement de l’homme sur terre. Le moteur de cette adaptabilité à la vie est la conséquence d’une transmission de savoirs liés à l’instinct de survie mais aussi à l’ignorance de l’origine de la vie humaine sur terre, donc l’absence de modèle. Cette absence de modèle nous pousse inéluctablement à créer des représentations, sous toutes ses formes de perceptions (langages, objets, habitats, moyens de communiquer…) La représentation fait œuvre de modèle, elle a la faculté de prouver l’efficacité de notre pensée et parfois, elle la modifie. Cet échange constant entre l’artefact et l’homme est nécessaire pour son évolution. Alors plus rien n’empêche les accidents de parcours qui peuvent entraîner l’homme sur les chemins transversaux du progrès.

Cet affranchissement de l’homme par l’homme, lié à cette perte du modèle, le rend plus fort. Au cours de son histoire, l’homme se soumet, de moins en moins, aux lois naturelles et puise sa force dans un courage sans limite… Cette prise de conscience du pouvoir par la conquête de nouveaux espaces, de l’outil ou la maîtrise des éléments, brise toutes les règles d’évolution du règne animal. Malgré toutes ses découvertes, l’homme est sans réponse face à l’énigme de son origine. Nous pouvons penser que l’homme devient croyant parce qu’il est soumis aux éléments qui le domine ? Peut-être pas, puisque depuis qu’il est Neandertal, il se sait être le plus féroce des prédateurs. Face à la mort d’un proche, le souvenir subsiste et l’absence physique provoque le questionnement. La vie est un pont qui se situe entre deux silences. L’homme ne manque pas de s’associer à tous ces phénomènes qu’il n’explique pas, il en devient mystique. Mais n’en restons pas là puisque nous aborderons plus tard la question du religieux, un sujet assez important dans l’histoire de l’art. Je souhaite orienter les regards sur l’absence du modèle. Dès lors, l’homme mettra tout ce qui l’entoure au défi de lui résister. Il défie l’apesanteur en édifiant des architectures colossales. Il traverse les océans, marche sur la lune et tente d’aller toujours plus loin. L’homme est prisonnier de sa condition qu’il tente d’enfreindre avec une volonté que l’on appelle, liberté. Les exploits qu’il accomplit, ont souvent induit la notion du divin, comme ces lutteurs qui, lors des jeux d’Olympie, étaient considérés comme des demi-dieux.

Le sport est une de ces pratiques qui honorent la notion de dépassement. Il a cette faculté de transmettre la gloire personnelle en gloire collective. Ironie du sort ou décision mûrement réfléchie, les Jeux Olympiques se déroulent à Athènes en 2004 pour inciter les pays à réaliser une paix durable. Le sport ne servira plus la guerre ou le pouvoir nationaliste, la boucle est bouclée sur un autre Idéal. Ce message semble d’autant plus fort qu’il fait renaître de ses cendres, le mythe athénien dont le porte-parole Socrate faisait du monde occidental le monde d’aujourd’hui. Les athlètes de 2004 se sont battus pour une vision plus altruiste du monde et ont su édifier positivement l’image du collectif. La Corée du sud et la Corée du nord ont porté le même drapeau. Quatre-vingt dix mille personnes se sont unies pour recréer l’histoire des Jeux Olympiques, lors de la cérémonie d’ouverture. Un clin d’œil à l’histoire qui traduit la volonté de prolonger l’humanité vers une amélioration des échanges internationaux. Athènes semble sonner le glas d’une adolescence trop humaine en démontrant que le progrès est collectif.

Le progrès tiré du latin progredi, signifie avancer. Il ne possède pas les caractéristiques d’une progression continuelle comme l’évolution et ne répond pas à une logique d’adaptation. Le progrès est mu par le besoin, chez l’homme, d’accomplir des actes inutiles. L’homme est le seul être au monde capable d’un mouvement altruiste en dehors de la sphère restreinte des affections instinctives, familiales ou sexuelles. Ce qui le pousse à élargir ses connaissances et ne pas suivre la logique évolutive de l’animal. Si nous considérons que l’évolution est basée sur une notion de question-réponse, exemple, la fleur allonge son pistil et l’insecte, sa trompe. Le progrès n’est pas dépendant de la relation entre les individus. Il s’épanouit dans l’observation gratuite des phénomènes naturels ou pas, le progrès d’une maladie, d’une inondation ou le progrès technologique. Le progrès s’apparente, chez l’homme, à une certaine forme de gratuité, liée aux applications, déductions, recherches et connivences entre notre esprit et la nature. Souvenons-nous de Newton, qui, ayant observé la chute d’une pomme sous l’effet de son poids, découvre l’attraction universelle.

L’art contemporain a cette particularité de paraître absurde et sans intérêt pour le plus grand nombre d’entre nous, depuis qu’il s’est affranchi de cette servilité religieuse, classique ou mimétique. Le rôle de l’art n’a pas d’impact direct sur la société et son utilité ne semble pas évidente. La liste des inconvénients peut paraître longue, dépenses économiques absurdes, blanchiment d’argent ou détournement de fonds, formes spectaculaires, disparités, temples de l’élitisme, sur identification des artistes, provocations gratuites, éclectismes débordants… La nouvelle création survit grâce au bon vouloir de nombreux bénévoles et éditeurs, les artistes reconnus dépendent du marché et la société ne semble pas voir dans la création contemporaine un intérêt public. Pourtant cette triangulation entre le modèle, l’homme et son milieu est la première équation à la survie de notre espèce.

Nous tenterons, lors de cet essai de démontrer des liens qui existent entre l’absence du modèle et l’énigme de nos origines et de comprendre les impacts du progrès ou de l’évolution sur nos contemporains.

1. Aux origines de l’humanité.

Il y a dix millions, des formes de vie de plus en plus complexes font leur apparition, les mammifères. Les dinosaures ont disparus depuis cinquante millions d’années. Dans les grandes forêts africaines plusieurs espèces de primates s’épanouissent. Ces populations de singes vont se faire piéger par une catastrophe naturelle. La faille du grand rift se forme. A l’ouest de cette faille, une grande barrière montagneuse surgit du sol, à l’est un haut plateau, puis la mer. Les conditions climatiques vont faire de ce plateau une zone aride. De part et d’autre de la faille, qui s’étend sur plusieurs centaines de kilomètres, la vie va s’organiser de manière radicalement opposée. Les singes de la forêt et les singes de la savane vont évoluer de façon différente. La dérive des continents a donné à la terre le visage qu’on lui connaît. C’est à cause de ces changements de temps, que singe de la savane va devoir s’adapter pour survivre, il y a cinq millions d’années. Les quelques arbres restant sont un piège car il ne reste plus rien à manger. Alors il faut investir le monde d’en bas ou mourir. Mais à quatre pattes les hautes herbes empêchent toute visibilité. Le singe va donc décider d’avancer sur ses deux pattes arrière le plus longtemps possible pour trouver sa nourriture. Il devient bipède et ouvre le pas à de nombreuses générations de pré-humains dont l’australopithèque. Mais il y a trois millions d’années, le premier homme est sur le point de naître, l’Homo Abilis. Son invention va sceller notre destin, l’outil. Bien sûr il faudra des milliers d’années pour que l’outil se perfectionne. L’Homo Ergaster découvrira le monde en resserrant les liens sociaux. En Asie, l’Homo Erectus apprend à se servir de ses armes pour chasser en toutes saisons. Il se nourrit essentiellement de viande fraîche et devient prédateur en utilisant la force du groupe. La viande pleine de protéines nourrit et accélère le développement de notre cerveau. Les outils de plus en plus long à réaliser demande la disponibilité du groupe. La transmission du savoir favorise l’apprentissage entre les hommes, les femmes et les enfants. Il y a cinq cent mille ans, le feu a été découvert par l’homme, au même moment. En Europe, l’homme de Neandertal va résister au froid, il sera le plus résistant des hominiens. Il est la créature la plus dangereuse du monde animal grâce sa grande maîtrise des pièges, des outils et du feu. Mais tous ces hommes ne sont pas nos ancêtres. Seul l’Homo Sapiens possède le même ADN que nous. Il est né dans un endroit inconnu. Partout dans le monde, les hommes suivent la même évolution, ils construisent une société nouvelle, fondée sur l’accumulation des connaissances. Cette culture, ses croyances héritées du fond des âges, Homo Sapiens va les fixer avec les siennes sur les parois de ses cavernes. Après avoir exploré la terre, il invente l’art et se lance à la conquête d’un nouveau monde celui de l’imaginaire.

Les animaux qui survivent au cours des millénaires sont des espèces adaptables. Les changements climatiques, les maladies opèrent en faveur d’une sélection naturelle qui ne favorise pas les espèces endémiques. Pour survivre, il faut déployer des formes sociales complexes. En Tanzanie, les découvertes offrent une vision plus claire sur l’organisation de ces micros sociétés, il y a vingt quatre mille ans. La grande période de glaciation ne permettait pas à l’homme de pouvoir se réunir en petits groupes de plus de trente individus. La survie de la tribu était conditionnée par un savant équilibre entre le nombre d’individus, la nourriture trouvée et les femmes fécondes. Dès que l’harmonie était rompue cela occasionnait des départs ! Ainsi le sang était constamment renouvelé et le savoir circulait entre ces populations nomades. Mais la découverte d’un camp sédentaire en Moravie, République Tchèque à la même époque, transforme toutes nos notions. Une société de plus de cent individus peuplait un vaste territoire. Des habitats confectionnés de défenses et de peaux de mammouths logeaient des spécialistes. Les archéologues ont trouvé sur des lieux ciblés du camp, d’innombrables silex dont la technique demande un grand savoir-faire. Les espaces étaient gérés selon les besoins du groupe et les savoirs-faire des individus. Ils ont pu en déduire que cette société était organisée selon des codes sociaux complexes et les premières formes de langage articulé avaient fait leur apparition. Le groupe favorise la sociabilité. Nous observerons plus tard que dans toutes les sociétés d’êtres vivants, plus le cortex est développé et plus les sociétés sont complexes. Nous sommes les seuls sur terre à utiliser vingt pour cent de notre énergie, simplement pour faire fonctionner notre cerveau. Une preuve que le manque de nourriture pouvait être déterminant pour l’espèce. Mais le plus impressionnant, c’est la découverte de nombreuses œuvres d’art sur ce camp. La sédentarisation a permis à ces individus, grâce à un gain de temps et à la répartition des tâches, de concevoir des créations plus sophistiquées les unes que les autres. Certains objets servaient à l’ornementation mais d’autres n’ont pas encore livré tous leurs secrets, objets de cultes, jouets pour enfants ou moyens de transmettre un savoir-faire ? Pourquoi ressentons-nous le besoin de créer ou de représenter les choses qui nous entourent ?

2. L’évolution : une forme concrète.

Cette tentative d’établir le lien entre l’énigme de nos origines et l’absence du modèle est l’une des approches hypothétiques que nous pouvons émettre. Quand, dans une équation nous tentons de résoudre une énigme, l’inconnue est remplacée par un chiffre jusqu’à ce qu’elle nous livre la solution. La représentation n’est-elle pas un placebo à l’énigme de nos origines ? Pour faire le lien, nous allons contourner le sujet en parlant d’évolution. La conception occidentale de l’évolution est largement tributaire de Darwin. Selon des biologistes tels que Stephen Gould, François Jacob ou Richard Dawkins, la conception mécaniste de l’évolution procède par mutations contingentes. Nous parlons de paradigme darwiniste. Exemple, un gène subit une mutation au hasard. Si la mutation est bénéfique, l’individu sera mieux adapté à son entourage et sa descendance aura de meilleures chances de survie. Si elle est mauvaise se sera le contraire. Ainsi une espèce peut disparaître ou au contraire proliférer. Mais ce modèle de pensée scientifique peut être contester quand nous observons avec quelle intelligence la nature se sert de leurres. Telle plante se déguise en femelle de l’insecte qui aide à la dispersion de ses spores pour attirer un congénère. Telle autre imite l’odeur de charogne pour attirer les mouches dont elle se nourrit. Il semble donc au contraire que l’évolution n’est pas le fruit du hasard, mais sert une intelligence dirigée vers une fin précise. Lorsqu’elle a lieu, l’évolution apparaît comme le moyen de résoudre un problème qui se pose à un individu ou une espèce, et elle consiste en une adaptation intelligente et précise à ce problème. La nature crée des ressemblances, utilise ses sujets comme modèles et tente de les reproduire pour survivre. Mais c’est chez l’homme que nous trouvons la plus haute aptitude à produire des ressemblances. Ainsi quand nous nous posons la question de la nécessité de l’enfant à reproduire des attitudes adultes. Walter Benjamin répond que pour comprendre l’ontogénétique il faut se référer à la phylogénétique. C’est à dire, que ce modèle, au cours des générations évolue jusqu’à en perdre son origine. Par exemple dans les danses, dont c’est la plus ancienne fonction de déterminer les changements au cours de l’histoire. Le modèle est en relation avec le présent, immanent et porteur de son origine. Il est aussi le regroupement de phénomènes multiples qui selon le cours de l’histoire place en premier ceux qui s’adaptent le plus à la situation. Le modèle est donc construit sur l’oubli pour répondre aux besoins futurs. Nos origines s’enfoncent petit à petit dans les méandres de notre inconscient. Maintenant, peut-on alors parler d’une évolution humaine ?

Si nous considérons que le singe anthropoïde se transforme en homo sapiens, alors pourquoi ne suit-il pas une évolution naturelle ? Pourquoi ne prend-il pas pour modèle la nature ? Quant ce primat arbore son corps dans la savane, pourquoi ne prend-il pas l’aspect de celle-ci ou de ses ennemis ? Pourquoi perdre ses griffes et ses dents pourtant si utiles dans la jungle ? Le chemin qu’il va prendre est loin de favoriser la survie de l’espèce, il est en danger d’extinction. Les paléontologues estiment avoir trouvé les fossiles de diverses lignées humaines ou hominiens qui n’ont pas survécu aux pressions du milieu préhistorique. La nature aurait ainsi engendré plusieurs espèces d’hommes inaptes à survivre dans de telles circonstances et répéter ces conjectures jusqu’à ce que cette espèce inadaptée puisse exister. Si Darwin a raison, l’homme n’est pas le produit de la nature mais il est contre nature. Il ne développe plus de facultés mimétiques, il façonne son propre modèle en utilisant son intelligence et sa conscience. Contre toutes attentes, le cerveau se développe au détriment des autres organes du corps, lors de cette lente transformation. Ce cerveau, grand consommateur d’énergie demande de plus en plus ressources et pousse les hommes à découvrir toutes sortes de moyens pour se nourrir. Plus l’homme est capable de réflexions abstraites, de créativité, d’imaginaire et plus il est obligé d’adapter le milieu naturel à sa condition de vie. Il faudra environ cinq millions d’années pour que l’australopithèque devienne homo sapiens mais depuis l’homme n’a pas beaucoup changé physiquement. Il a perfectionné ses outils et ses connaissances du monde grâce à des modèles qu’il a su mettre en œuvre. Les mathématiques lui ont permis d’aborder la face cachée du monde et la mesure de cette progression semble inavouable. Pouvons-nous réellement parler d’évolution ? Si l’évolution naturelle, telle que nous la connaissons, agit sur les êtres vivants en les transformant. Cette transformation répond à une urgence, celle de la survie. Pouvons-nous sincèrement parler de survie en ce qui concerne l’espèce humaine à partir du moment où fort de notre expérience nous répondions à nos besoins physiques ? La réponse semble prendre forme dans l’abstrait.

3. Le progrès : une forme abstraite.

Le progrès signifie plus que du changement. Un progrès constitue par rapport à l’état précédent une véritable mutation. Cette mutation est souvent considérée comme une amélioration mais nous laisserons aux philosophes le soin de juger si un progrès peut être compris comme tel. Ce qui le différencie de l’évolution c’est qu’il ne puise pas ses modèles dans le même registre. L’évolution dépend de la nature et le progrès de l’imaginaire. Nous aurions pu associer le progrès à la technique, creuset de l’application, mais l’imaginaire est sa source. L’exemple de Léonard de Vinci est probant lorsqu’il immortalise dans ses carnets, des dessins visionnaires. L’imaginaire fait partie de l’homme, introduisant la notion de progrès, provoqué par la perception du sensible. J. Lacan introduit l’idée que l’imaginaire reflète le désir dans l’image que le sujet a de lui-même. Ce qui voudrait dire que le modèle auquel nous nous référons est bien l’homme et non la nature. Cette vision ethnocentrique des hommes est archaïque. Nous ne pouvons pas omettre la nature qui influence ces processus d’échanges de représentants. Sans tomber dans un débat de progrès évolutionniste. L’évolution existe dans le progrès, il s’en inspire mais non l’inverse, Même si le progrès s’inscrit dans un processus graduel et que nous percevons au travers de lui une continuité ; Le progrès incarne la discontinuité. L’imaginaire n’existe que dans l’esprit, construction chimérique, comme une superposition d’images, offrant à notre souvenir une surface écrêtée.

Il y a une évolution visible entre l’hippomobile et la voiture que nous connaissons mais cette continuité dépend de l’imaginaire humain. L’homme se situe entre l’imaginaire et le produit fini, le progrès est le mouvement qui relate de cette trajectoire. Nous pouvons donc évoquer le progrès telle une mutation et l’homme comme un véhicule transformateur d’énergie. Si, il n’y a pas d’échanges directs entre les artefacts, faisant référence aux être vivants qui opèrent des mutations dans la nature par mimétisme ou sauvegarde, la notion de progrès est, par conséquent, discontinue. Cette discontinuité est importante pour engendrer dans le progrès, la notion de création polymorphe et collective.

Revenons à l’exemple de Newton. Une simple pomme déclenche toute une réflexion qui occasionne de grands changements dans nos connaissances. Il nous semble logique aujourd’hui que tous corps en chute libre subissent l’attraction terrestre. Mais cette évidence n’a lieu d’être que parce que nous l’avons apprise. Si nous travaillons notre regard sur ces évidences nous savons qu’au-delà du savoir, il est difficile de comprendre ces lois qui régissent l’univers. Nous en avons seulement une perception conceptuelle. Derrière les mots « attraction terrestre » nous reconnaissons l’idée qui est définie par : deux masses s’attirent, en raison inverse du carré de leurs distances et selon la droite qui les joint. Ce concept, nous l’avons intégré au référent des évidences mais c’est l’arbre qui cache la forêt. Le mouvement perpétuel de création avec les formes abstraites et non visibles influence notre quotidien, nos devenirs. Ne faut-il pas s’interroger sur l’événement d’une pomme qui tombe dans un verger de pommiers ? Un moment où la banalité de l’instant peut nous conduire à créer. La création nous permet de questionner les évidences, d’émettre des doutes et d’ouvrir les portes sur l’imaginaire.

Les mathématiques contribuent à développer cette acuité que nous avons sur le monde. Un modèle, en constante équation avec le monde visible. La création de ce nouveau modèle, impalpable, agit de façon métaphorique. L’homme transpose dans les mathématiques, la nature. L’observation d’évènements qui se sont produits dans l’astronomie ou la physique ont été transcrits en lois mathématiques. L’application de ces théories répond aux nécessités du progrès. Entre nos moyens actuels de communication et ceux de nos ancêtres apparaît une succession de transformations si indiscutable que personne ne peut nier l’existence même du progrès technique, au sens du perfectionnement indéfini de ses réalisations. Cette absence de modèle provoque une soudaineté de production, polymorphe, prolifique et discontinue.

LE PARFAIT EST CENSE N'ÊTRE PAS DEVENU. - Nous sommes habitués, en face de toute chose parfaite, à ne pas poser le problème du devenir, et à jouir de sa présence comme si elle avait surgi du sol par un tour de magie. Chapitre IV de Nietzsche Humain trop humain.

Cette soudaineté de production dont parle Nietzsche (1844-1900), c'est cette fantasque manipulation de l'illusion. Une mise en abîme de la technique au profit du caractère impressionnant de l’œuvre trompant le spectateur, ce que Nietzsche jugera comme un sentiment mythologique archaïque. Ce même sentiment semble se rapprocher de nous, quant au regard que nous pourrions porter sur les productions évènementielles, télévisuelles ou artistiques, basées sur une recherche toujours plus élaborée des sensations, nous nommons la télé réalité, la presse à scandale ou les oeuvres provocatrices. Est-ce que vivre l'illusion au quotidien engendre le dépassement de ces mécanismes parfaits?

Je ne pourrais répondre à cette question sinon en la contournant par la notion de savoir. E. H. Gombrich dans L'art et l'illusion parle de cette possibilité de voir disparaître le savoir lorsque nous cessons d'être émerveillés. Les Grecs n'ont-ils pas dit que l'émerveillement est à l'origine du savoir ? Faut-il encore être émerveillé, comme le suggérait Platon ? Posséder ce savoir pour décrypter l’œuvre ou la comprendre dans ce qu’elle donne à voir. Ainsi la représentation fut-elle différente selon les savoirs. Mais plus encore, nous ne serions voir ce que nous n’avons pas appris. Par exemple, notre œil décèle le plein des formes et en déduit le vide alors que nous pourrions voir le vide comme une forme pour en percevoir le plein… Hegel (1770-1831) décrit la prise de conscience de l’enfant, qui en jetant une pierre déforme la surface de la rivière. Cette prise de pouvoir sur l’extérieur crée un jeu de miroirs entre le monde environnant et soi. Ce savoir est la volonté d’une manifestation empirique. L’apprentissage théorique et la pratique sont unis dans la connaissance.

Ne doit-on pas dire, déclare Platon, dans le Sophiste (266 C.) qu’avec l’art de construire nous créons une maison et qu’avec l’art de la peinture, nous créons une maison différente, une sorte de rêve artificiel pour ceux qui demeurent éveillés. Platon utilise le même référent et fait lien entre le monde visible et le monde invisible des idées. Le lien, dans ce cas particulier, est la technique de représentation. Même si l’une des techniques pour Platon semble plus impalpable que l’autre, voir plus artificielle. L’auteur perdu, condamne l’inconnu ne trouvant aucune raison dans cette approche inutile, absurde où l’éveillé peut à tout moment se transformer en « idiot ». Pourtant l’empreinte de l’imaginaire dans le réel fixe les repères d’un monde encore inexploré. Un domaine sans limite, vertige de la création, refoulant tous les pragmatiques dans la sphère passive et contemplative. Le Mac Luhan Technology à Toronto pratique depuis des décennies un partenariat entre les artistes et les scientifiques. En 1996, à Saint Gervais, Genève lors du sixième festival international de la vidéo, un représentant venait témoigner des recherches qu’ils avaient exploré. Lors de la présentation il commentait :

« La création semble aujourd’hui opérer un retour à la prééminence de l’empirique sur le conceptuel, du fait de la vie sur la spéculation. Si la réalité a toujours eu besoin de réalité afin que la production artistique d’images soit autre chose qu’un simple clignotement lumineux de plus, immergé dans le flux des images du monde. C’est-à-dire non pas des images réelles ou du réel, mais des images surgies d’une expérience de vie réelle. » Les artistes avaient imaginé le projet de commander à distance, par la pensée, un objet mécanique. Les scientifiques avaient mis au point un programme algorithmique qui traduisait les signaux électriques envoyés par les capteurs fixés sur la boîte crânienne, en ordre. Cet ordre, selon les infimes mouvements nerveux du crâne, était traduit en intensité lumineuse et permettait aux véhicules roulants de capter la lumière sur des panneaux solaires générant l’action. Dans l’esprit de financer la suite des recherches, le centre vendait ce projet à l’armée américaine.

Selon Gombrich, cette description de l'art de construire ou de peindre ne peut conduire à l'émerveillement. C’est le tout, qui agit sur la perception et non cette facétieuse tendance à analyser, décrire ou disséquer les productions construites et artistiques. La curiosité nous tient et quand nous découvrons par quel habile stratagème l’illusion est, nous perdons à l’instant notre émerveillement. La notion de concept est donc primordiale, elle est dépendante de cette illusion. Par exemple, prenons le concept du four à micro-onde, nous savons qu’en y déposant à l’intérieur un bol de lait froid il devient chaud après une minute. Le simple fait d’appuyer sur un bouton ne livre pas le savoir des micros ondes ou de la conception même du four. Nous oublions qu’il est passer entre les mains de scientifiques, de techniciens, de petites mains, de commerciaux… Et si nous nous posons la question réelle du savoir-faire, nous ne connaissons rien. Le concept est bien vivant, et sa vie est rendue prospère par l’épiphénomène, l’oubli. Le concept est l’idée générale, nourrie par de nombreux savoirs. Nous retenons en lui un sentiment global, une pâle idée d’un savoir. La maison nous conduit inévitablement aux fenêtres, au toit, aux murs et à tout ce qui la constitue. Sous sa représentation la plus standard, nous l’imaginons tous comme les enfants, un toit pointu, rouge en tuiles, des murs blancs, deux fenêtres et une porte. Cette maison devient le concept d’une société où tout doit être en conformité et qui socialement nous permet d’appartenir au groupe d’être intégré et reconnu. Les techniques de représentation, qu’elles soient mentales ou applicables dans le monde réel, sont multiples. Elles permettent de se projeter en elle pour accorder l’être au désir de devenir un des spécialistes. Il est possible de peindre la maison sans que nous sachions la construire et vice versa. Le dépassement de ces mécanismes illusoires nous entraîne sur le chemin des compétences transversales, celles de la notion empirique et de la perception psychologique. Nous ne comprenons "l'image" que dans son ensemble. Bien qu'il y ait eu quelconque savoir, notre personne ne sépare pas, les traits, des couleurs ou des formes mais les appréhende selon des données "sensorielles". Adolf von Hildebrand dans un opuscule intitulé Le problème de la forme dans les arts figuratifs, tentait d'analyser ce processus en se référant à la psychologie de la perception. "Une sphère, se présente à la vue sous la forme d'un disque plat ; C’est le toucher qui nous indique les propriétés réelles de l'espace et de la forme."

Le développement de la sculpture grecque fixait les idées que les humains se faisaient de l'individualité de leurs dieux. Platon était préoccupé par la Mimesis, à laquelle il reprochait de n'être pas la chose elle-même, mais uniquement sa représentation. La Mimesis incarne une idéologie conservatrice, qui nie la créativité. D’hier à aujourd'hui, la Mimesis semble toujours présente comme art mineur. Elle se rapporte aux reproductions mécaniques dites culturelles et spécifiquement aux répétitions d'images ou de langage, tels que le postmodernes l'entendent. Pourtant, le mode de perception et de représentation que possède chaque individu vari. Si je demande à deux personnes d'imaginer un bleu, la couleur interprétée, ne sera pas la même. L'une pensera à un bleu ciel et l'autre à un bleu foncé. Que les formes de représentation soient palpables ou non, l'interprétation de notre monde évolue selon cette capacité à toujours pouvoir ouvrir d'autres voies d'interprétation. C’est ce que nous nommons le "filtre", perception sensiblement différente selon les individus, les humeurs et les contextes. Mais tournons-nous sur l'histoire qui nous plonge dans l'art de la Mimésis ou de l'abstrait. De cette observation nous ne pouvons nier que les formes ont lentement évolué selon les contextes mais que ces évolutions pouvaient prendre une voie inattendue, voire irrationnelle. Cette irrationalité n'est-elle pas une forme de progrès ? Pour Heinrich Wolfflin (1865-1945) dans Principes fondamentaux sur l'évolution de la forme, la forme évolue selon deux fonctions, l'une extérieure et l'autre intérieure. La forme extérieure est immédiatement expressive, c'est la beauté particulière. La forme intérieure est le médium dans lequel cette beauté, ce caractère sont réalisés. Or ce double visage, objet de connaissance, d'interprétation et de création nous permet d'approcher les contenus du monde environnant. Cette perception "tactile", pour Aloïs Rielg, n'est qu'une version subjective de l'histoire de l'art et préfère lui donner un caractère scientifique. Pourquoi se fier au sens tactile plutôt qu'au sens de la vision ? Grâce à son travail qu'il effectue dans les musées, Rielg s'attache aux techniques des arts appliqués. Il tente de prouver dans un ouvrage intitulé Spatromische Kunstindustrie (Les arts appliqués de la dernière période romaine, 1901) que les formes ont changé selon le progrès technique et par les changements intervenus dans les modes de perception. Il passe en revue l'art égyptien et démontre que l'absence de trois dimensions dans la représentation est liée à la mise en valeur des cinq sens. Les Egyptiens interprètent le monde par les modes de perception (données objectives) et ne se préoccupent pas du point de vue (données subjectives). Le profil est plus facile à reconnaître, le nez est symbole du raffinement, des parfums, des odeurs sucrées de fruits frais (offrandes aux dieux). Les pieds de côté, sont plus faciles à représenter mais il prouve d’une vie terrestre et d’une incarnation humaine réussie. Rielg décrit l'art de la Grèce comme un art de la vision s'attachant aux contours des formes. Il aboutit sur la dernière partie de l'art antique qui livre ses objets ou personnages aplatis et privés de formes. L'évolution artistique, selon Rielg, devrait poursuivre son chemin au travers de la Renaissance jusqu'à l'expressionnisme, triomphe de la perception optique. Hegel, lui, a porté l'esthétique a un haut degré de développement. L'esthétique est la science du Beau artistique. L'art est présentation de l'esprit sous forme sensible : il a donc même contenu que la religion, mais il l'exprime dans l'élément de l'identité, tandis que la religion l'exprime dans l'élément de la différence. L'élément de la différence est l'incarnation du divin. Pourtant, c'est dans le phénomène de masse, que se constitue la force des religions. Au-dessus de tout, la religion unie les différents peuples et l'on assiste à des tensions à l'intérieur même des pays, des territoires invisibles se forment. Pour que les passions s'animent dans la foi, il faut que l'élément pluriel s'adresse au singulier, à l'identité. Exemple : Si tu sers Dieu, tu iras au paradis. Si tu meurs pour lui, tu seras élevé au rang de martyr. L'art, a contrario, s'exprime dans l'élément singulier pour s'ouvrir vers le pluriel. Ce chassé-croisé agit comme des vases communicants, phénomènes vérifiables au cours de l’histoire.

« Tel est donc le grand fait qui domine toute distinction entre l’art moderne et l’ancien : l’art ancien est religieux, tandis que l’art moderne est profane. Encore une fois, prenez patience. Je dis que l’art ancien était religieux : c’est-à-dire que la religion était son premier but, le luxe domestique et le plaisir ne venant qu’en second lieu. Je dis que l’art moderne est profane : c’est-à-dire que le luxe domestique et le plaisir sont ses premiers buts, la religion qu’en second. »

John Ruskin.

La représentation picturale du divin pose un problème particulier à toutes les sociétés en raison de son statut immatériel. Ce statut accroît la perception d'un décalage entre la présence et l’absence, entre l'image et le mot référent. Le langage est déjà une représentation, le fait de nommer Dieu, Allah ou Bouddha, l’affecte à des rites ou dogmes que les hommes ont définis. La réitération de la représentation, au travers de l’univers pictural, a pour seul objet d’être de la propagande. Les bas reliefs qui ornaient les églises du Moyen-Age. Ils racontaient l’histoire religieuse destinée à la compréhension de tous, des analphabètes en autre. Le déclin de l'Europe après la chute de l'Empire romain a été attribué aux invasions barbares du V ième siècle. La disparition des formes artistiques n'est due que partiellement aux invasions. Si le déclin de l'économie et du commerce ont joué un rôle majeur, cela n'a pas empêché divers développements de l'architecture, notamment dans la construction de grands édifices monastiques et ecclésiastiques. Finalement de nombreuses raisons expliquent que le christianisme se sera opposé à toutes les formes de représentation, qu'elles soient théâtrales, sculpturales ou picturales. Toutes ces raisons sont liées à la volonté du religieux, de dominer sur les "païens". L'interdiction des images, prohibées dans les dix commandements, plaçait la représentation de toutes choses comme une ré-édition de la création de Dieu. L’art se mesure-t-il à la religion en entretenant avec l’histoire une volonté de donner une valeur à la dimension atemporelle ? Pourquoi vouloir donner à l’œuvre un caractère éternel ?

L’art a bien une histoire. Elle est dépendante des exigences du goût présent. L’histoire de l’art est la représentation de l’art du passé, production de la création culturelle. L’homme, par le prolongement de sa main, l’outil, lui permet de se développer dans le réel. L’histoire entretient la mémoire et place la création dans un prolongement durable. Les oeuvres qui marquent, échappent à leur insertion historique parce qu’elles résonnent dans le présent. Les œuvres qui sont réduites à leur statut historique sont considérées comme le témoin de l’époque. Toutes œuvres d’art peuvent être perçus historiquement mais leur valeur esthétique ne se réduit pas à leur valeur historique. C’est ainsi qu’est né le souci pour l’histoire d’enquêter sur le présent ou le passé récent dans une volonté de conserver l’événement, de lui offrir un support durable, plus durable que la mémoire humaine. De même que Hérodote et Thucydide forment le projet de conserver l’événement, visent l’éternel, non l’éternité intemporelle, mais une permanence durable dans l’actualité de la mémoire. Nous constatons que l’histoire se différencie de l’art par son projet scientifique mais tous deux, tentent d’échapper au temps.

Cette volonté d’inscrire l’art dans l’histoire, démontre que l’homme a le souci d’établir une traçabilité qui lui permet d’affiner son sens de la représentation.

Nos grands projets architecturaux du 20-21ème siècle sont plus que jamais sortis du sol. Ils jouent sur des critères de transversalité, mélangent les styles, empruntent à la nature ses formes, ses mimétismes. Calatrava nous livre dans l’une de ses dernières réalisations architecturales à Valence, une vision idyllique et futuriste d’un complexe culturel. Les effets de diversion sont présents dans l'architecture contemporaine, le Guggenheim à Bilbao empreinte aux bateaux et aux voiles une souplesse de l'enveloppe qui porte à croire, à l'envol de cette architecture. La grâce des arabesques dans ses volumes ouverts nous fait oublier le titane, matière principalement utilisée à l'extérieur du bâti. De gris et de reflets, l'enveloppe ne saurait parler des volumes internes. Une problématique chère aux concepteurs de ces grands projets, où, tantôt l'extérieur révèle l'intérieur, tantôt il le cache.

Les bâtiments aux structures d'acier et de verre, très en vogue au 20ème siècle pour leurs transparences et leurs effets de miroirs, marquent de nouvelles pensées en étroit lien avec la société, sa politique et son économie. Alain Mons parle d'évènements urbains lors des «grands travaux du président Mitterand» qu'il faut apprécier dans une modélisation formelle inspirée par les propriétés de l'image diffuse. L’agencement des espaces urbains influence les comportements. Au centre ville de Bordeaux, le tramway a réduit considérablement la circulation automobile au profit des deux roues. Cette ville a pu conserver son patrimoine architectural du 18ème au cours de l’histoire. Les grandes voies traversant le centre sont limitées par les anciens bâtiments. Le choix de réaliser un tramway supprimait un passage automobile. Cette nouvelle donne amorce de nouveaux comportements. Les formes architecturales émergeantes sont autant de symptômes visibles de l'activité spéculaire et spectaculaire de la société de communication, d'un ordre d'agencement et de consommation visuelle du monde. La facilité avec laquelle nous nous faisons de cet environnement contemporain relève du concept. L'objet global communiqué se définissant par le sens et se rapportant à une représentation de l'urbain.

A ne pas poser la question du devenir, ainsi suggérait Nietzsche, nous risquons de croire à la magie. Cette nécessité de croire et de développer l’imaginaire nous permet de quitter tous ces modèles mais elle est trompeuse et peut à tout moment se transformer en fervente croyance, en peur de la représentation ou en symbole tout puissant. Les mécanismes de cette illusion ne doivent pas être utilisés comme un liev motiv ou un moteur de nos sociétés. Ces recettes nous sont servies quotidiennement, elles stimulent la consommation, répondent à l’appétit vorace de la société qui consomme ses propres déjections. L’individu est noyé dans le collectif, il ne peut que s’épanouir dans une vision conformiste. L’aspect lissé d’une uniformisation pousse les gouvernements à établir des lois. Le port du voile dans les écoles laïques est soumis à l’autorité qui considère la société française comme une personne morale. Rêve vigilant, comme moyen de tromper pour disposer de l'âme du spectateur ou de l'auditeur. La science de l'art dont parle Nietzsche serait une posture analytique et rebelle qui tenterait de démontrer les fausses conclusions et mauvaises habitudes de l'intelligence. L'art deviendrait-il une science loin du beau et de l'esthétique relationnelle ? L'artiste peut-il être dupe de ses propres manipulations ?

De jeunes artistes internationaux sont choisis par des professionnels de l’art pour créer un forum de discussions sur de nouveaux enjeux que soulève l'art contemporain. Cette mondialisation de l’art n’aurait-elle pas tendance à uniformiser la pensée, posant les jalons d’un nouveau mode de perception celle de la vision de l'artiste par l'artiste ? Francis Ponge cite dans un de ces poèmes: elle se meurt dans sa propre nourriture, (La bougie). L'artiste est déjà un produit de foire sur les marchés de l'art. Lui aussi est dépendant de la demande s’il veut pactiser pour la reconnaissance de ce milieu. Hans Hanning, invité à l'exposition Trafic en 1996 au CAPC de Bordeaux marquait l’ouverture en invitant plusieurs jeunes filles à travailler sur des machines à coudre industrielles. Elles réalisaient à la chaîne des drapeaux d’un pays inconnu, pendant toute la durée de l'exposition.. L’artiste les donnait après le vernissage pour les accrocher aux balcons de la ville en signe de révolte contre l’exploitation de la main d’œuvre par les pays occidentaux. Exposition sur exposition, décalages horaires, Hans se faisait exploiter par le milieu de l’art, deux mois plus tard il fut interné pour une longue période. Aujourd'hui connaissez-vous Hans Hanning? C’est quand vous êtes connu que tout commence, on attend de vous que vous soyez toujours plus fort, irréprochable. Bernard Loiseau.

Les frais d'hôtels, de déplacements et de matériel de l’artiste sont à la charge du lieu d’exposition, dans le meilleur des cas, mais les honoraires de l'artiste sont inexistantes, à part peut-être pour notre cher Buren qui instaurait ce dictat entre les commissaires d'exposition et lui-même. Si l'artiste expose une oeuvre éphémère, comment vous semble-t-il qu'elle puisse être vendue ? C'est du bénévolat, une croyance dont tous profitent, un sacerdoce. Le plus saugrenu, c'est le nom que porte ceux qui s'occupent de l'artiste et sans lesquels l'artiste ne peut exercer son activité : Le curateur. No comment !

Bref, le système n'échappe à personne et surtout pas aux artistes, qui se jouant des mécanismes illusoires, tombent en plein dedans. Je ne vous parle pas de « grèves » d'artistes, leurs statuts n'existent tout simplement pas ou presque. Seule la Maison des artistes sert de couverture… sociale mais le statut réel est celui d'un indépendant. L'artiste se déclare en tant que profession libérale. Toutefois, nous nommons artistes ceux qui participent au système, nous pensons aux peintres, aux chanteurs, danseurs, sculpteurs... à tous ceux qui produisent quelque chose de tangible et palpable. Les autres, artistes installateurs ou performeurs n'ont pas de statuts réels, puisqu'ils ne vendent pas. Beaucoup, trichent avec le système ou vivent de revenus minimaux. Ce n'est évidemment pas viable d'un point de vu social et éthique. Dans la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen, il est dit que tout travail mérite salaire et qu'aucune discrimination ne doit être faite.

La vision de l'artiste par l'artiste, n'échappe pas aux codes universels de l'art contemporain. Cette tendance à uniformiser la pensée repose la question des limites de l'art. Critiques, historiens, commissaires d'exposition, curateurs ou artistes tentent de placer des repères face à une production mondiale artistique éclatée. Les oeuvres sont pluriculturelles, pluridisciplinaires et empreintes aux différentes spécialités de nouveaux savoir-faire. Les conséquences ou suites du post-modernisme plongent les professionnels de l'art dans un flou artistique y compris les spectateurs de plus en plus hermétiques.

Les comportements ou habitudes de vie évoluent avec frénésie. Cette course à la technologie montre que le phénomène de mode est totalement lié à elle, dans l'expectative de vivre le Bonheur. Avoir le dernier ordinateur ou le dernier téléphone, c'est tout le confort espéré d'une vie bien réussie. Bien que du dernier cri, le téléphone portable sert à localiser et peu à communiquer. Jean-Paul Gauthier le nommera : « t'es où? . Aller au musée, à des vernissages en appart ou dans des ateliers d'artistes ne prouve pas un réel engouement du public pour les arts. Je préfèrerais employer des mots tels que, lieux de monstration ou curiosités culturelles. Est-ce les nouveaux enjeux de l'art? L'art serait-il à la mode? (Démodé ?)

LE SENS DE LA VERITE CHEZ L'ARTISTE. - L'artiste a, quant à la connaissance de la vérité, une moralité plus faible que le penseur; Il ne veut absolument pas se laisser enlever les signes brillants et profonds de la vie et se met en garde contre les méthodes et résultats par trop simplistes. En apparence, il lutte pour la dignité et l'importance supérieure de l'homme, en vérité il ne veut pas abandonner les conditions des effets les meilleurs pour son art, et tels que le fantastique, le mythique, l'incertain, l'extrême, le sens du symbole, la surestime de la personnalité, la croyance au miracle du génie : il estime ainsi comme plus considérable que le dévouement scientifique à la vérité, la permanence de son genre de création sous toute forme, aussi simple que paraisse cette dernière.

Effectivement, l'artiste n’est pas moralisateur, ce n’est pas dans son projet de rappeler les règles de bon fonctionnement et les valeurs de notre société. Bon nombre d'artistes du 19ème siècle comme E. Manet (1832-1883) ou P. Gauguin (1848-1903) ne sauraient avoir plus d'audaces picturales que les peintres de notre siècle. Ils remettent en cause toutes les lois académiques qui régissent la peinture pour peindre selon leurs impressions. La surestimation de la personnalité, la surenchère des effets employés, sont utilisés pour créer l'illusion, nécessaires aux réformes. Nietzsche, sous des formes ironiques et provocatrices, oppose la science à la culture en touchant le sens de la vérité chez l'artiste. L'auteur s'étonne de la force avec laquelle l'artiste a de défendre la permanence de son genre, face au dévouement scientifique, fait plus compréhensible de tous. Vous remarquerez que rien n’a changé depuis, et Nietzsche semblait et semble encore nous réconforter dans nos mauvaises habitudes de l'intelligence. L'idée que ce contemporain puisse faire l'impasse sur les plus importants points de vu philosophiques, est à exclure. Bien que nous ayons des idées très arrêtées à propos de la philosophie nietzschéenne, celui-ci se rapprochait d'Epicure (341-270 av J.C), en quelques points philosophiques. Notamment Epicure écrit dans une lettre : «Equipe ton navire, bienheureux, et fuis toute culture» allusion de Nietzsche qui se sert de la même métaphore, «Seul maître à bord, tu es le capitaine de ton propre navire». La science ne peut se garder de rester au stade de l'étude ou de l'analyse, elle expérimente et prouve. Maintes découvertes comme la fission de l'atome étaient déjà pressenties. Si nous devons comparer la tendance architecturale de la fin du 19ième siècle avec l'architecte Baltard pour la construction des Halles à Paris en 1854 et Calatrava, nous constatons que les deux architectes sont préoccupés par l’espace. Mais l’un, Baltard répond à une circulation dans des espaces qui facilite la communication et la sociabilité, l’autre Calatrava répond à une esthétique artistique. La technique employée est très étudiée mais les espaces sont désertiques.

Un pont presque plat et sans pied de l'architecte ressemble à une prouesse d'ingénieur.A Bilbao, une enjambée rejoignant les deux rives, de blanc et de verre, fait oeuvre et rien ne semble intriguer le passant. Sommes-nous impressionnables? Les grands projets architecturaux ne nous marquent plus comme avant, ils n’ont plus cette valeur mystique que l’on attribuer aux temples, aux institutions juridiques. Le musée du Cuggenheim à Bibao relève de la sculpture, de l’objet d’art et cet tentative d’inscrire le batiment traduit le vérité de l’architecte. La technique bien que de plus en plus élaborée, est reléguée à l'arrière plan. La représentation ou le témoignage de l'homme. Depuis la nuit des temps, l'homme se crée des repères, il a un besoin vital de représenter. Il définie son territoire en ayant pour intermédiaire l'outil. L'outil est le premier objet faisant ordre de fonction puis de représentation l'homme. Il est le moyen de sa survie et de son expérimentation qui ouvre le pas vers une incessante évolution. Les peintures rupestres témoignent aujourd'hui de l'activité principale des hommes, la chasse. Plusieurs hypothèses ont été étudiées mais la plus valable s'attache à la transmission d'un savoir. Une chose n'a pas changé au cours de l'évolution humaine, c'est cette volonté de toujours vouloir s'inscrire dans une traçabilité par la transformation ou une implication de son environnement. Les villes, les objets ou toutes les productions faites par l'homme sont façonnés à son image. Ils ne sont que la traduction de nos sens. Le toucher, le goût, l'odorat, l'ouïe et la vue participent à l'agencement de notre environnement. L'association de tous ses éléments dans un contexte particulier aboutit à une représentation de l'instant.

Notre conscience est en quelque sorte le chef d'orchestre de plusieurs inconsciences. Comment prendre la mesure de ce qui nous constitue, si ce n'est que d'en avoir une appréhension globale ? Personne ne pense quotidiennement à toutes ces vies qui nous composent. Notre conscience ne peut pas se focaliser sur le comment de la respiration à chaque fois qu'on respire. Bien sûr l'évidence est là, sous nos yeux mais travailler sur les évidences n'est si compréhensible que cela puisse paraître. Chaque vie qui nous constitue a son programme génétique, sa fonction dans l'organisme et les cellules du foie ne se prennent pas pour les cellules de l'estomac ou l'être vivant dans tout son entier. La fonction est donc un rôle déterminé aux aspects forts limités.

Pourtant la conjonction de toutes ces fonctions mènent à des représentations multiples et infinies parfois sans but réel de fonctionnalité. Ce que nous appelons esprit ou âme d'un corps, d'un objet, sont des visions globales et impalpables. Qui aurait la prétention d'appréhender la connaissance, dans sa totalité ? Personne. Peut-être reste t-il une civilisation actuelle ? La civilisation tibétaine s'en approche le plus. Elle a nommé et transmis cette pratique dans le champs philosophique. Le nirvana qui est une forme d'appréhension de la connaissance de soi et de son milieu naturel par le biais de la méditation.Si je réalise un schéma de notre mode de fonctionnement en considérant la tridimentionalité, ce schéma ressemblerait étrangement à un atome.

4. Physique quantique.

L’homme qui peignait dans les grottes de Lascaux ne semble pas être si loin de nous. Aujourd’hui les ethnologues émettent l’idée que ces hommes auraient pu se poser les même questions que nous. L’homme a du dans un premier temps, se détacher du modèle naturel, qui selon ses qualités et les évènements extérieurs ne favorisaient pas sa survie. Cette rupture occasionnait une lente transformation du regard de l’homme sur la nature, pour en comprendre son fonctionnement. Cette distance critique par la découverte de l’outil façonnait le premier miroir d’une civilisation de plus en plus consciente. Est-ce le regard que nous portons sur la nature qui façonne notre conscience ? L’homme sait percevoir en elle le reflet d’une intelligence de la matière. Ceci nous conduit directement aux thèses de Shri Aurobindo dans Le cycle humain. L’homme observe l’évolution de la nature et traduit l’émergence de l’esprit, du divin, dans la matière. La philosophie hindoue est entre autre, une théorie sur les fondements de la nature qui a curieusement bien des points en commun avec certaines théories de la physique contemporaine. En effet la mécanique quantique spécule sur les fondements derniers de la nature qui ne sont pas des particules matérielles mais comme le dit Ernest Schrödinger, du mind stuff, l’expression que l’on pourrait traduire comme substance pensante. Certaines expériences quantiques révèlent que la matière, dans ses composantes sub-atomiques, se comporte de façon télépathique, comme si une particule savait où se trouve une autre particule ou le trajet qu’elle a accompli. La philosophie védique considère que sous-jacent à la nature que nous percevons, il existe un champ de conscience qui est à la base de tout ce qui est. Le fondement de toutes choses serait la conscience, non pas la pensée consciente telle que nous en faisons l’expérience dans nos têtes mais la pensée telle qu’elle est à sa source, avant que telle ou telle pensée ait été formée.

Le caractère scientifique L'essentiel de la physique quantique réside dans la constatation que la matière présente un caractère ondulatoire généralisé. Autrement dit, elle est constituée par une superposition d'ondes. Pourquoi cette science est-elle appelée quantique? Cela vient du fait que le formalisme ondulatoire repose sur les équations différentielles. Quelle est la différence entre une équation classique et une équation différentielle? Dans le cas d'une équation classique on cherche une valeur qui satisfait l'équation. Dans le cas d'une équation différentielle on cherche une fonction qui satisfait l'équation. Par exemple la solution d'une équation différentielle simple est une sinusoïde. La fonction qui constitue la solution d'une équation différentielle dépend en général d'un paramètre. Ce paramètre ne peut pas prendre n'importe quelle valeur. Il doit être quantifié. C'est de là que provient le nom la physique quantique. Pour une équation différentielle simple, on a donc une sinusoïde qui dépend d'un paramètre. Ce paramètre c'est la fréquence de la sinusoïde. Il peut, par exemple, prendre les valeurs suivantes: 100 Hz, 200 Hz, 300 Hz,... La physique quantique n’a rien de mystique ou de religieux, cette pensée est scientifique. L’observation, l’analyse, la mise en tension des éléments, la comparaison, la théorisation, l’application empirique, la déduction et le raisonnement, sont tirés de la logique mathématique. Mais quand les équations de la vie restent insolvables, le plus grand nombre aurait tendance à se dévouer pour toutes les causes qui le sorte de cette humanité.

5. Perception du sensible.

L’homme est un être sensible. C’est grâce à nos sentiments que le monde tour à tour riche de promesses, inquiétant, hostile, prend pour nous une signification, une valeur. Si nous n’éprouvions aucun sentiment, nous serions comme absent de l’univers. Tout nous serait indifférent, aucun objet aurait de l’importance. Le monde cesserait en quelque sorte d’exister pour nous, tant il est vrai que la notion d’existence est liée à la notion de valeur, « Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé », Lamartine. Cette notion de valeur induit la question de la hiérarchisation des sentiments, prouvant que les perceptions que nous nous faisons du monde sont régies selon des valeurs propres à chaque individu. Nos sentiments se nourrissent de notre vécu, de nos capacités physiques et mentales à résister, de la matière et de l’esprit dans ce que la plus petite cellule porte d’intelligence. Chaque parcelle, atome de notre corps seraient-ils en connexion avec notre esprit ? L’histoire de ce moine bouddhiste, Itigilov qui demandait à ses frères de l’exhumer trente ans après sa mort, est un mystère que la science n’a pu prouver. Fait extraordinaire ou preuve irréfutable d’une maîtrise totale de tout son être, les tissus de son corps gardent toujours la souplesse d’un vivant. Son corps, dans la position de lotus, n’est pas momifié, ni en putréfaction et a gardé sa position initiale. Ses bras peuvent bouger sans se détacher du corps, sa peau est lisse comme au dernier jour de sa vie. Son esprit s’est libéré et son enveloppe charnelle a gardé son apparence première. Comme s’il avait demandé à toutes ses cellules de comprendre qu’elles appartenaient à un corps et qu’elles devaient s’endormir, hiberner pour servir le tout, la connaissance. Entrons-nous dans la fiction ? Est-il étrange, de ne pas concevoir des liens qui unissent l’infiniment petit à l’infiniment grand, des possibles de la conscience sur notre environnement, des formes communicationnelles entre les êtres vivants ! Bien que tout cela paraisse incroyable, les scientifiques se penchent de plus en plus sur ces faits inexplicables et tentent de dépasser les formalités de la perception physique.

5. La notion de matière.

La notion de matière doit à Platon et Aristote sa première définition. Une table est faite de bois, une statue de marbre… La matière est le matériau dont les choses sont faites. L'esprit grec concevait toute chose sur le mode de l'œuvre d'art. Cf. Aristote, Physique II 194a. Dans le Timée, Platon représente la matière comme quelque chose d'indéterminé, au fond inconcevable en elle-même.. C'est le réceptacle universel, la nourrice universelle, la "mater" / mère, une chose agitée de mouvements sans ordre sous l'influence des idées. Pour Aristote, il y a différents degrés de matérialité. Cette table est faite de bois, mais le bois lui-même a déjà une forme, est déjà un composé de forme et de matière. Il faut donc aller au-delà du bois pour voir la matière, nous arriverons ainsi aux composants du bois ; mais eux-mêmes à leur tour sont composés de matière et de forme ; Nous ne voyons jamais une matière complètement dépourvue de forme. Aristote se représente le monde comme constitué de formes imposées à une matière qui elle-même est sans forme. Descartes (cf.Méditation) se demande ce qu'il y a de clair et de distinct dans l'idée de la matière. L'œuvre de Descartes a été d'éliminer de la matière toutes les qualités secondes qui viennent d'après lui des réactions de nos sens de la matière. Elle est plus construite par l'homme que la matière aristotélicienne ; celle-ci était bâtie sur le modèle de la construction humaine, mais elle nous conduisait à quelque chose de finalement à peine concevable, tandis que la matière de Descartes est en elle-même une construction humaine. Leibniz constitue, par opposition à la théorie cartésienne, qui a bien du mal de penser la relation en nous de la matière et de l'esprit, une théorie des forces de la matière. Comme les précédentes théories, celle-ci est en relation avec la pensée qui la constitue, en relation avec la pensée humaine en général. Le réel est constitué par des forces, et la pensée humaine perçoit en elle des forces. La conception qu'a Kant de la matière vient de l'imposition des formes de l'espace et du temps aux choses. (Cf. Critique de la raison pure ; esthétique transcendantale). Il y a cependant cette différence de plus, Kant est conscient du caractère humain et permettra à l'esprit de s'en libérer. Par ailleurs, il distingue mieux que Descartes l'espace et la matière, en tant que celle-ci est douée de force. L'espace et le temps ne sont pas suffisants pour la constituer ; il faut aussi que d'autres catégories interviennent, les catégories de substance et de causalité. Enfin l'espace kantien lui-même est moins un concept, comme celui de Descartes, qu'une forme de ce que Kant appelle la sensibilité. Hegel, suivant certaines indications de Kant, conçoit la matière comme caractérisée essentiellement par la pesanteur. Sous l'effet de l'hégémonie de la pensée scientifique, qui définit la matière en terme d'énergie, B. Russell écrit : Ma définition de la matière serait : est matière ce qui satisfait aux équations de la physique. La matière ne peut plus être définie que comme un ensemble d'événements dans l'espace-temps, le temps et l'espace ne pouvant plus être séparés l'un de l'autre.

6. La notion d'esprit.

Chez Platon l'esprit est le pilote de l'âme (Phèdre, 246a-246d ). Il y produit les pensées. Aristote, dans la Politique, note deux parties dans l'âme, l'une non raisonnable, l'autre raisonnable ; l'appétit caractérise la première, l'esprit la seconde. La Métaphysique met en relief l'esprit de notre âme, qui est d'ailleurs comparé aux yeux. Epicure voit dans l'esprit une sorte d'organe de l'activité cognitive de l'âme, organe générateur de choix, d'interprétation, de mouvement. Dans la philosophie médiévale, le mot recouvre l'ensemble des opérations de la connaissance, une sorte de faculté de l'activité psychique, par opposition avec le corps, la matière. Si nous voulons nous montrer précis sur le fonctionnement de cette faculté, nous possédons alors l'intellect. Saint Thomas, qui utilise souvent le terme d'intellect et voit dans l'esprit une partie de la puissance opératoire de l'âme, un organe du raisonnement. Leibniz met en exergue parmi les âmes l'esprit humain, lequel est seul à être doué de réflexion. Hegel est le philosophe de l'esprit absolu, puissance génératrice de l'activité intellectuelle à l'œuvre dans la culture, sous toutes ses formes historiques et sociales, et individuelles.

7. matière et esprit

La réponse matérialiste soutient que tout ce qui existe est matière, épicurisme, stoïcisme ou que la matière détermine la pensée, le marxisme. A l'inverse, l'idéalisme affirme la détermination de la matière par l'esprit (Platon, Hegel) ou l'existence exclusive de l'esprit (Berkeley). Le matérialisme prétend tout expliquer uniquement par la matière ; l'idéalisme réduit la matière à une existence illusoire et entièrement relative à l'esprit. Les conceptions mixtes, dualistes, accordent une existence autonome à la matière et à l'esprit mais le problème se pose de leur rapport dans le cas de l'union de l'âme et du corps (Descartes.) Dans la cité idéale de Platon, la classe d'hommes chargés de la production doit être dominée par l'intellect. Artisans et laboureurs composent cette race de fer (République, 415 ad) mue par de vils intérêts matériels, facteur de désordre, et dont la fonction s'apparente à celle du ventre dans l'organisme. Chez Marx, au contraire, le pouvoir doit revenir à ces classes ouvrières parce que productives qui, transformant la nature, doivent transformer l'histoire.

7. L’énigme de nos origines comme absence du modèle.... à suivre Annka